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ses sourcils, par la vivacité de ses yeux, par la mutinerie de sa jolie bouche. Elle déployait alors ces grâces de jeune chatte que rien, ni la captivité, ni la vue de son effroyable échafaud, ne purent altérer. Ces deux reines, l’une à l’aurore, l’autre à l’été de sa vie, formaient donc alors le contraste le plus complet. Catherine était une reine imposante, une veuve impénétrable, sans autre passion que celle du pouvoir. Marie était une folâtre, une insoucieuse épousée, qui de ses couronnes faisait des jouets. L’une prévoyait d’immenses malheurs, elle entrevoyait l’assassinat des Guise en devinant que ce serait le seul moyen d’abattre des gens capables de s’élever au-dessus du trône et du Parlement ; enfin elle apercevait les flots de sang d’une longue lutte ; l’autre ne se doutait pas qu’elle serait juridiquement assassinée. Une singulière réflexion rendit un peu de calme à l’Italienne.

— Selon la sorcière et au dire de Ruggieri, ce règne va finir ; mon embarras ne durera point, pensa-t-elle.

Ainsi, chose étrange, une science occulte, oubliée aujourd’hui, l’astrologie judiciaire servit alors à Catherine de point d’appui, comme dans toute sa vie, car sa croyance alla croissant, en voyant les prédictions de ceux qui pratiquaient cette science réalisées avec une minutieuse exactitude.

— Vous êtes bien sombre, madame ? dit Marie Stuart en prenant des mains de Dayelle ce petit bonnet pincé sur la raie de ses cheveux et dont les deux ailes de riche dentelle tournaient autour des touffes blondes qui lui accompagnaient les tempes.

Le pinceau des peintres a si bien illustré cette coiffure, qu’elle appartient exclusivement à la reine d’Écosse, quoique Catherine l’ait inventée pour elle quand elle eut à prendre le deuil de Henri II ; mais elle ne sut pas la porter aussi bien que sa belle-fille, à qui elle seyait beaucoup mieux. Ce grief n’était pas le moindre parmi ceux de la reine-mère contre la jeune reine.

— Est-ce un reproche que me fait la reine ? dit Catherine en se tournant vers sa belle-fille.

— Je vous dois le respect et n’oserais, répliqua malicieusement l’Écossaise qui regarda Dayelle.

Entre les deux reines, la femme de chambre favorite resta comme la figure d’un chenêt, un sourire d’approbation pouvait lui coûter la vie.

— Comment puis-je être gaie comme vous, après avoir perdu le