Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 15.djvu/571

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

néant. Je ne sais pas, en vérité, pourquoi depuis le premier conseil j’ai continué d’assister aux autres ? Ils y pourraient faire tout aussi bien les choses en mettant une couronne sur mon fauteuil, je ne vois rien que par leurs yeux et décide à l’aveugle.

— Oh ! monsieur, s’écria la reine en se levant de dessus le roi et prenant un petit air de fâcherie, il était dit que vous ne me feriez plus la moindre peine à ce sujet, et que mes oncles useraient du pouvoir royal pour le bonheur de votre peuple. Il est gentil ton peuple ? si tu voulais le régenter toi seul, il te goberait comme une fraise. Il lui faut des gens de guerre, un maître rude et à mains gantées de fer ; tandis que toi tu es un mignon que j’aime ainsi, que je n’aimerais pas autrement, entendez-vous, monsieur ? dit-elle en baisant au front cet enfant qui paraissait vouloir se révolter contre ce discours et que cette caresse adoucit.

— Oh ! s’ils n’étaient pas vos oncles ! s’écria François II. Ce cardinal me déplaît énormément, et quand il prend son air patelin et ses façons soumises pour me dire en s’inclinant : « Sire, il s’agit ici de l’honneur de la couronne et de la foi de vos pères, Votre Majesté ne saurait souffrir ; » et ceci et cela… je suis sûr qu’il ne travaille que pour sa maudite maison de Lorraine.

— Comme tu l’as bien imité ! dit la reine. Mais pourquoi n’employez-vous pas ces Lorrains à vous instruire de ce qui se passe, afin de régner par vous-même dans quelque temps, à votre grande majorité ? Je suis votre femme, et votre honneur est le mien. Nous régnerons, va, mon mignon ! Mais tout ne sera pas roses pour nous jusqu’au moment où nous ferons nos volontés ! il n’y a rien de si difficile pour un roi que de régner ! Suis-je reine, moi, par exemple ? Croyez-vous que votre mère ne me rende pas en mal ce que mes oncles font de bien pour la splendeur de votre trône ? Hé ! quelle différence ! Mes oncles sont de grands princes, neveux de Charlemagne, pleins d’égards et qui sauraient mourir pour vous ; tandis que cette fille de médecin ou de marchand, reine de France par hasard, est grièche comme une bourgeoise qui ne règne pas dans son ménage. En femme mécontente de ne pas tout brouiller ici, cette Italienne me montre à tout propos sa figure pâle et sérieuse ; puis, de sa bouche pincée : « Ma fille, vous êtes la reine, et je ne suis plus que la seconde femme du royaume, me dit-elle (Elle enrage, entends-tu, mon mignon ?). Mais si j’étais en votre place, je ne porterais pas de velours incarnat pendant que la cour