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célébrer en vers ; si je n’étais pas roi, je reprendrais à mon frère maître Amyot qui le rend si savant…

— N’enviez rien à votre frère qui fait des poésies et me les montre en me demandant de lui montrer les miennes. Allez, vous êtes le meilleur des quatre et serez aussi bon roi que vous êtes amant gentil. Aussi, peut-être est-ce pour cela que votre mère vous aime si peu ! Mais sois tranquille. Moi, mon cher cœur, je t’aimerai pour tout le monde.

— Je n’ai pas grand mérite à aimer une si parfaite reine, dit le petit roi. Je ne sais qui m’a retenu hier de t’embrasser devant toute la cour quand tu as dansé le branle au flambeau ! J’ai clairement vu que toutes les femmes ont l’air d’être des servantes auprès de toi, ma belle Marie…

— Pour ne parler qu’en prose, vous parlez à ravir, mon mignon ; mais aussi est-ce l’amour qui parle. Et vous, vous savez bien, mon aimé, que vous ne seriez qu’un pauvre petit page, encore vous aimerais-je autant que je vous aime, et il n’y a rien cependant de plus doux que de pouvoir se dire : Mon amant est roi.

— Oh ! le joli bras ! Pourquoi faut-il nous habiller ? J’aime tant à passer mes doigts dans tes cheveux si doux, à mêler leurs anneaux blonds. Ah ! çà, ma mie, ne donne plus à baiser à tes femmes ce cou si blanc et ce joli dos, ne le souffrez plus ! C’est déjà trop que les brouillards de l’Écosse y aient passé.

— Ne viendrez-vous pas voir mon cher pays ? Les Écossais vous aimeront, et il n’y aura pas de révolte comme ici.

— Qui se révolte dans notre royaume ? dit François de Valois en croisant sa robe et prenant Marie Stuart sur son genou.

— Oh ! ceci est assurément fort joli, dit-elle en dérobant sa joue au roi ; mais vous avez à régner, s’il vous plaît, mon doux sire.

— Que parles-tu de régner ? je veux ce matin…

— A-t-on besoin de dire je veux quand on peut tout ? Ceci n’est parler ni en roi, ni en amant. Mais, il ne s’agit point de cela, laisse ! Nous avons une affaire importante.

— Oh ! dit le roi, il y a longtemps que nous n’avons eu d’affaire. Est-elle amusante ?

— Non, dit Marie, il s’agit de déménager.

— Je gage, ma mie, que vous ayez vu l’un de vos oncles, qui s’arrangent si bien, qu’à dix-sept ans, je me comporte en roi fai-