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noires, et d’un petit manteau de velours brodé, le tout noir (il portait encore le deuil du roi son père), salua les deux dames d’honneur et resta près des filles de sa mère. Déjà plein d’antipathie pour les adhérents de la maison de Guise, il répondit froidement aux paroles de la duchesse et appuya son bras sur le dossier de la haute chaise de la comtesse de Fiesque. Son gouverneur, un des plus beaux caractères de ce temps, monsieur de Cypierre, resta derrière lui comme une panoplie. Amyot, en simple soutane d’abbé, accompagnait aussi le prince, il était déjà son précepteur comme il fut aussi celui des trois autres princes dont l’affection lui devint si profitable. Entre la cheminée d’honneur et celle où se groupaient à l’autre extrémité de cette salle les gardes, leur capitaine, quelques courtisans et Christophe muni de son carton, le chancelier Olivier, protecteur et prédécesseur de Lhospital, costumé comme l’ont toujours été depuis les chanceliers de France, se promenait avec le cardinal de Tournon récemment arrivé de Rome, en échangeant quelques phrases d’oreille en oreille au milieu de l’attention générale que leur prêtaient les seigneurs massés le long du mur qui sépare cette salle de la chambre du roi comme une tapisserie vivante, devant la riche tapisserie aux mille personnages. Malgré la gravité des circonstances, la cour offrait l’aspect que toutes les cours offriront dans tous les pays, à toutes les époques et dans les plus grands dangers : des courtisans parlant toujours de choses indifférentes en pensant à des choses graves, plaisantant en étudiant les visages, et s’occupant d’amours et de mariages avec des héritières au milieu des catastrophes les plus sanglantes.

— Que dites-vous de la fête d’hier ? demanda Bourdeilles, seigneur de Brantôme, en s’approchant de mademoiselle de Piennes, une des filles de la reine-mère.

— Messieurs du Baïf et du Bellay n’ont eu que de belles idées, dit-elle en montrant les deux ordonnateurs de la fête qui se trouvaient à quelques pas… — J’ai trouvé cela d’un goût exécrable, ajouta-t-elle à voix basse.

— Vous n’y aviez pas de rôle ? dit mademoiselle de Lewiston de l’autre bord.

— Que lisez-vous là, madame ? dit Amyot à madame de Fiesque.

— L’Amadis de Gaule, par le seigneur des Essarts, commissaire ordinaire de l’hartillerie du Roi.

— Un ouvrage charmant, dit la belle fille qui fut depuis si célè-