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L’avénement de François II, époque à laquelle Catherine crut saisir le pouvoir, fut un moment de déception qui couronna cruellement les vingt-six ans de douleurs qu’elle avait déjà passés à la cour de France. Les Guise s’emparèrent alors du pouvoir avec une audace incroyable : le duc de Guise fut mis à la tête de l’armée, et le Connétable fut disgracié, le cardinal eut les finances et le clergé. Catherine commença sa carrière politique, par un de ces drames qui, pour ne pas avoir eu l’éclat des autres, n’en fut pas moins le plus atroce, et qui l’accoutuma sans doute aux terribles émotions de sa vie. Tout en paraissant d’accord avec les Guise, elle essaya d’assurer son triomphe en s’appuyant sur la maison de Bourbon. Soit que Catherine, après avoir inutilement tenté les moyens les plus violents, eût voulu employer la jalousie pour ramener le roi ; soit qu’en arrivant à sa seconde jeunesse, il lui parût cruel de ne pas connaître l’amour, elle avait témoigné le plus vif intérêt à un seigneur du sang royal, François de Vendôme, fils de Louis de Vendôme (maison d’où est issue la maison de Bourbon), et Vidame de Chartres, nom sous lequel il est connu dans l’histoire. La haine secrète que Catherine portait à Diane se révélait en beaucoup de circonstances auxquelles les historiens préoccupés des intérêts politiques n’ont fait aucune attention. L’attachement de Catherine pour le Vidame vint d’une insulte que ce jeune homme fit à la favorite. Diane voulait les plus belles alliances pour ses filles qui, d’ailleurs, tenaient à la plus haute noblesse du royaume. Elle ambitionnait surtout l’honneur d’un mariage avec la maison de France : on proposa de sa part la main de sa seconde fille, qui fut depuis duchesse d’Aumale, au Vidame, que la politique fort sage de François Ier maintenait dans la pauvreté. En effet, quand le Vidame de Chartres et le prince de Condé vinrent à la cour, François Ier leur donna, quoi ? la charge de chambellans ordinaires avec douze cents écus de pension, ce qu’il baillait à de simples gentilshommes. Quoique Diane de Poitiers offrît d’immenses biens, quelque belle charge de la couronne et la faveur du Roi, le Vidame refusa. Puis ce Bourbon, déjà factieux, épousa Jeanne, fille du baron d’Estissac, de laquelle il n’eut point d’enfants. Ce trait de fierté recommanda naturellement le Vidame à Catherine, qui l’accueillit avec une faveur marquée et s’en fit un ami dévoué. Les historiens ont comparé le dernier duc de Montmorency, décapité à Toulouse, au Vidame de Chartres,