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l’histoire de l’établissement de la maison de Médicis du quatorzième au quinzième siècle est-elle une des plus belles qui restent à écrire, encore que de grands génies y aient mis les mains. Ce n’est pas l’histoire d’une république, ni d’une société, ni d’une civilisation particulière, c’est l’histoire de l’homme politique, et l’histoire éternelle de la Politique, celle des usurpateurs et des conquérants. Revenu à Florence, Philippe Strozzi y rétablit l’ancienne forme de gouvernement, et en fit sortir Hippolyte de Médicis, autre bâtard, et cet Alexandre avec lequel il marchait en ce moment. Il fut alors effrayé de l’inconstance du peuple ; et comme il redoutait la vengeance de Clément VII, il alla surveiller une immense maison de commerce qu’il avait à Lyon, et qui correspondait avec des banquiers à lui à Venise, à Rome, en France et en Espagne. Chose étrange ! ces hommes qui supportaient le poids des affaires publiques et celui d’une lutte constante avec les Médicis, sans compter leurs débats avec leur propre parti, soutenaient aussi le fardeau du commerce et de ses spéculations, celui de la banque et de ses complications, que l’excessive multiplicité des monnaies et leurs falsifications rendaient bien plus difficile alors qu’aujourd’hui. (Le nom de banquier vient du banc sur lequel ils siégeaient, et qui leur servait à faire sonner les pièces d’or et d’argent.) Philippe trouva dans la mort de sa femme, qu’il adorait, le prétexte à donner aux exigences du parti républicain, dont la police devient dans toutes les républiques d’autant plus terrible, que tout le monde se fait espion au nom de la liberté qui justifie tout. Philippe n’était revenu dans Florence qu’au moment où Florence fut obligée d’accepter le joug d’Alexandre ; mais il était allé voir auparavant le pape Clément VII, dont les affaires étaient en assez bon état pour que ses dispositions à son égard fussent changées. Au moment de triompher, les Médicis avaient tant besoin d’un homme tel que Strozzi, ne fût-ce que pour ménager l’avènement d’Alexandre, que Clément sut le décider à siéger dans les conseils du bâtard qui allait commencer l’oppression de la ville, et Philippe avait accepté le diplôme de sénateur. Mais depuis deux ans et demi, de même que Sénèque et Burrhus auprès de Néron, il avait observé les commencements de la tyrannie. Il se voyait en ce moment en butte à tant de méfiance de la part du peuple, et si suspect aux Médicis auxquels il résistait, qu’il prévoyait en ce moment une catastrophe. Aussi, dès qu’il apprit du duc Alexandre la né-