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blanchâtre ; il aperçut la Loire, les beaux coteaux de Saint-Cyr, et les sombres merveilles du Plessis, où brillaient deux ou trois lumières dans les enfoncements de quelques croisées ; au loin, s’étendaient les belles campagnes de la Touraine, et les nappes argentées de son fleuve. Les moindres accidents de cette jolie nature avaient alors une grâce inconnue : les vitraux, les eaux, le faîte des maisons reluisaient comme des pierreries aux clartés tremblantes de la lune. L’âme du jeune seigneur ne put se défendre d’une émotion douce et triste. -- Si c’était un adieu ! se dit-il.

Il resta là, savourant déjà les terribles émotions que son aventure lui avait promises, et se livrant à toutes les craintes du prisonnier quand il conserve une lueur d’espérance. Sa maîtresse s’embellissait à chaque difficulté. Ce n’était plus une femme pour lui, mais un être surnaturel entrevu à travers les brasiers du désir. Un faible cri qu’il crut avoir été jeté dans l’hôtel de Poitiers le rendit à lui-même et à sa véritable situation. En se remettant sur son grabat pour réfléchir à cette affaire, il entendit de légers frissonnements qui retentissaient dans la vis, il écouta fort attentivement, et alors ces mots : -- » Il se couche ! » prononcés par la vieille, parvinrent à son oreille. Par un hasard ignoré de l’architecte, le moindre bruit se répercutait dans la chambre de l’apprenti, de sorte que le faux Goulenoire ne perdit pas un seul des mouvements de l’avare et de sa sœur qui l’espionnaient. Il se déshabilla, se coucha, feignit de dormir, et employa le temps pendant lequel ses deux hôtes restèrent en observation sur les marches de l’escalier à chercher les moyens d’aller de sa prison dans l’hôtel de Poitiers. Vers dix heures, Cornélius et sa sœur, persuadés que leur apprenti dormait, se retirèrent chez eux. Le gentilhomme étudia soigneusement les bruits sourds et lointains que firent les deux Flamands, et crut reconnaître la situation de leurs logements ; ils devaient occuper tout le second étage. Comme dans toutes les maisons de cette époque, cet étage était pris sur le toit d’où les croisées s’élevaient ornées de tympans découpés par de riches sculptures. La toiture était bordée par une espèce de balustrade qui cachait les chéneaux destinés à conduire les eaux pluviales que des gouttières figurant des gueules de crocodile rejetaient sur la rue. Le gentilhomme, qui avait étudié cette topographie aussi soigneusement que l’eût fait un chat, comptait trouver un passage de la tour au toit, et pouvoir aller chez madame de Saint-Vallier par les chéneaux,