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femmes à l’amour ? A force de se mêler à la vie et de la saisir dans tous ses actes, la religion s’était donc rendue également complice et des vertus et des vices. La religion avait passé dans la science, dans la politique, dans l’éloquence, dans les crimes, sur les trônes, dans la peau du malade et du pauvre ; elle était tout. Ces observations demi-savantes justifieront peut-être la vérité de cette Etude dont certains détails pourraient effaroucher la morale perfectionnée de notre siècle, un peu trop collet-monté, comme chacun sait.

Au moment où le chant des prêtres cessa, quand les dernières notes de l’orgue se mêlèrent aux vibrations de l’amen sorti de la forte poitrine des chantres, pendant qu’un léger murmure retentissait encore sous les voûtes lointaines, au moment où l’assemblée recueillie attendait la bienfaisante parole du prélat, un bourgeois, pressé de rentrer en son logis, ou craignant pour sa bourse le tumulte de la sortie, se retira doucement, au risque d’être réputé mauvais catholique. Un gentilhomme, tapi contre l’un des énormes piliers qui environnent le chœur et où il était resté comme perdu dans l’ombre, s’empressa de venir prendre la place abandonnée par le prudent Tourangeau. En y arrivant, il se cacha promptement le visage dans les plumes qui ornaient son haut bonnet gris, et s’agenouilla sur la chaise avec un air de contrition auquel un inquisiteur aurait pu croire. Après avoir assez attentivement regardé ce garçon, ses voisins parurent le reconnaître, et se remirent à prier en laissant échapper certain geste par lequel ils exprimèrent une même pensée, pensée caustique, railleuse, une médisance muette. Deux vieilles femmes hochèrent la tête en se jetant un mutuel coup d’œil qui fouillait l’avenir. La chaise dont s’était emparé le jeune homme se trouvait près d’une chapelle pratiquée entre deux piliers, et fermée par une grille de fer. Le chapitre louait alors, moyennant d’assez fortes redevances, à certaines familles seigneuriales ou même à de riches bourgeois, le droit d’assister aux offices, exclusivement, eux et leurs gens, dans les chapelles latérales, situées le long des deux petites nefs qui tournent autour de la cathédrale. Cette simonie se pratique encore aujourd’hui. Une femme avait sa chapelle à l’église, comme de nos jours elle prend une loge aux Italiens. Les locataires de ces places privilégiées avaient en outre la charge d’entretenir l’autel qui leur était concédé. Chacun mettait donc son amour-propre à décorer somptueusement le sien, vanité dont s’accommodait assez bien l’église.