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de ces misérables bourgades fut cernée et leurs habitants décimés. Par une de ces fatalités inexplicables, les vaisseaux anglais étaient restés en panne sans avancer ; mais on sut plus tard que ces vaisseaux ne portaient que de l’artillerie et qu’ils avaient mieux marché que le reste des transports. Ainsi la ville de Menda, privée des défenseurs qu’elle attendait, et que l’apparition des voiles anglaises semblait lui promettre, fut entourée par des troupes françaises presque sans coup férir. Les habitants, saisis de terreur, offirent de se rendre à discrétion. Par un de ces dévouements qui n’ont pas été rares dans la Péninsule, les assassins des Français, prévoyant, d’après la cruauté du général, que Menda serait peut-être livrée aux flammes et la population entière passée au fil de l’épée, proposèrent de se dénoncer eux-mêmes au général. Il accepta cette offre, en y mettant pour condition que les habitants du château, depuis le dernier valet jusqu’au marquis, seraient mis entre ses mains. Cette capitulation consentie, le général promit de faire grâce au reste de la population et d’empêcher ses soldats de piller la ville ou d’y mettre le feu. Une contribution énorme fut frappée, et les plus riches habitants se constituèrent prisonniers pour en garantir le payement, qui devait être effectué dans les vingt-quatre heures.

Le général prit toutes les précautions nécessaires à la sûreté de ses troupes, pourvut à la défense du pays, et refusa de loger ses soldats dans les maisons. Après les avoir fait camper, il monta au château et s’en empara militairement. Les membres de la famille de Léganès et les domestiques furent soigneusement gardés à vue, garrottés, et enfermés dans la salle où le bal avait eu lieu. Des fenêtres de cette pièce on pouvait facilement embrasser la terrasse qui dominait la ville. L’état-major s’établit dans une galerie voisine, où le général tint d’abord conseil sur les mesures à prendre pour s’opposer au débarquement. Après avoir expédié un aide de camp au maréchal Ney, ordonné d’établir des batteries sur la côte, le général et son état-major s’occupèrent des prisonniers. Deux cents Espagnols que les habitants avaient livré furent immédiatement fusillés sur la terrasse. Après cette exécution militaire, le général commanda de planter sur cette terrasse autant de potences qu’il y avait de gens dans la salle du château et de faire venir le bourreau de la ville. Victor Marchand profita du temps qui allait s’écouler avant le dîner pour aller voir les prisonniers. Il revint bientôt vers le général.