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— Oh ! presque rien, répondit le défiant Italien. Je n’ai que mes gains. Cependant ils feraient encore une jolie fortune à un gueux qui, certes, aurait un bon brevet d’honnête homme pour le reste de ses jours.

Diard conduisit l’Italien par une rue déserte où il avait remarqué une maison dont la porte se trouvait au bout d’une espèce d’avenue garnie d’arbres, et bordée de hautes murailles très-sombres. En arrivant à cet endroit, il eut l’audace de prier militairement Montefiore d’aller en avant. Montefiore comprit Diard et voulut lui tenir compagnie. Alors, aussitôt qu’ils eurent tous deux mis le pied dans cette avenue, Diard, avec une agilité de tigre, renversa le marquis par un croc-en-jambe donné à l’articulation intérieure des genoux, lui mit hardiment le pied sur la gorge, et lui enfonça le couteau à plusieurs reprises dans le cœur, où la lame se cassa. Puis il fouilla Montefiore, lui prit portefeuille, argent, tout. Quoique Diard y allât avec une rage lucide, avec une prestesse de filou ; quoiqu’il eût très-habilement surpris l’Italien, Montefiore avait eu le temps de crier : — À l’assassin ! à l’assassin ! d’une voix claire et perçante qui dut remuer les entrailles des gens endormis. Ses derniers soupirs furent des cris horribles. Diard ne savait pas que, au moment où ils entrèrent dans l’avenue, un flot de gens sortis des théâtres où le spectacle était fini se trouvèrent en haut de la rue, et entendirent le râle du mourant, quoique le Provençal tâchât d’étouffer la voix en appuyant plus fortement le pied sur la gorge de Montefiore, et en fît graduellement cesser les cris. Ces gens se mirent donc à courir en se dirigeant vers l’avenue, dont les hautes murailles, répercutant les cris, leur indiquèrent l’endroit précis où se commettait le crime. Leurs pas retentirent dans la cervelle de Diard. Mais ne perdant pas encore la tête, l’assassin quitta l’avenue et sortit dans la rue, en marchant très-doucement, comme un curieux qui aurait reconnu l’inutilité des secours. Il se retourna même pour bien juger de la distance qui pouvait le séparer des survenants, il les vit se précipitant dans l’allée, à l’exception de l’un d’eux, qui, par une précaution toute naturelle, se mit à observer Diard.

— C’est lui ! c’est lui ! crièrent les gens entrés dans l’allée, lorsqu’ils aperçurent Montefiore étendu, la porte de l’hôtel fermée, et qu’ils eurent tout fouillé sans rencontrer l’assassin.

Aussitôt que cette clameur eut retenti, Diard, se sentant de l’a-