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prit-il, Isabelle appelle Robert au milieu du grand chœur des chevaliers allant au tournoi, et où reparaissent les motifs du second acte, afin de bien faire comprendre que le troisième acte s’est accompli dans une sphère surnaturelle. La vie réelle reprend. Ce chœur s’apaise à l’approche des enchantements de l’Enfer qu’apporte Robert avec le talisman, les prodiges du troisième acte vont se continuer. Ici vient le duo du viol, où le rhythme indique bien la brutalité des désirs d’un homme qui peut tout, et où la princesse, par des gémissements plaintifs, essaie de rappeler son amant à la raison. Là, le musicien s’était mis dans une situation difficile à vaincre, et il a vaincu par le plus délicieux morceau de l’opéra. Quelle adorable mélodie dans la cavatine de : Grâce pour toi ! Les femmes en ont bien saisi le sens, elles se voyaient toutes étreintes et saisies sur la scène. Ce morceau seul ferait la fortune de l’opéra, car elles croyaient être toutes aux prises avec quelque violent chevalier. Jamais il n’y a eu de musique si passionnée ni si dramatique. Le monde entier se déchaîne alors contre le réprouvé. On peut reprocher à ce finale sa ressemblance avec celui de Don Juan, mais il y a dans la situation cette énorme différence qu’il y éclate une noble croyance en Isabelle, un amour vrai qui sauvera Robert ; car il repousse dédaigneusement la puissance infernale qui lui est confiée, tandis que don Juan persiste dans ses incrédulités. Ce reproche est d’ailleurs commun à tous les compositeurs qui depuis Mozart ont fait des finales. Le finale de Don Juan est une de ces formes classiques trouvées pour toujours. Enfin la religion se lève toute-puissante avec sa voix qui domine les mondes, qui appelle tous les malheurs pour les consoler, tous les repentirs pour les réconcilier. La salle entière s’est émue aux accents de ce chœur :

Malheureux ou coupables,

Hâtez-vous d’accourir !

Dans l’horrible tumulte des passions déchaînées, la voix sainte n’eût pas été entendue ; mais en ce moment critique, elle peut tonner la divine Église Catholique, elle se lève brillante de clartés. Là, j’ai été étonné de trouver après tant de trésors harmoniques une veine nouvelle où le compositeur a rencontré le morceau capital de : Gloire à la Providence ! écrit dans la manière de Haendel. Arrive Robert, éperdu, déchirant l’âme avec son : Si je pouvais prier. Poussé par l’arrêt des enfers, Bertram poursuit son fils et