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montait, au moment du décès, à seize cent mille francs environ, et la conclusion de cette reddition de compte fournissait clairement à chacun de ses enfants une part entière comme aurait pu la gérer un bon et soigneux père de famille. Il en résultait que la maison était libre de toute hypothèque, que Balthazar était chez lui, et que ses biens ruraux étaient également dégagés.

Lorsque les divers actes furent signés, Pierquin présenta les quittances des sommes jadis empruntées et les mainlevées des inscriptions qui pesaient sur les propriétés. En ce moment, Balthazar, qui recouvrait à la fois l’honneur de l’homme, la vie du père, la considération du citoyen, tomba dans un fauteuil ; il chercha Marguerite qui par une de ces sublimes délicatesses de femme s’était absentée pendant cette lecture, afin de voir si toutes ses intentions avaient été bien remplies pour la fête.

Chacun des membres de la famille comprit la pensée du vieillard au moment où ses yeux faiblement humides demandaient sa fille que tous voyaient en ce moment par les yeux de l’âme, comme un ange de force et de lumière. Lucien alla chercher Marguerite. En entendant le pas de sa fille, Balthazar courut la serrer dans ses bras.

« Mon père, lui dit-elle au pied de l’escalier où le vieillard la saisit pour l’étreindre, je vous en supplie, ne diminuez en rien votre sainte autorité.

Remerciez-moi, devant toute la famille, d’avoir bien accompli vos intentions et soyez ainsi le seul auteur du bien qui a pu se faire ici. » Balthazar leva les yeux au ciel, regarda sa fille, se croisa les bras, et dit après une pause pendant laquelle son visage reprit une expression que ses enfants ne lui avaient pas vue depuis dix ans :

« Que n’es-tu là, Pépita, pour admirer notre enfant ! » Il serra Marguerite avec force, sans pouvoir prononcer une parole, et rentra. « Mes enfants, dit-il avec cette noblesse de maintien qui en faisait autrefois un des hommes les plus imposants, nous devons tous des remerciements et de la reconnaissance à ma fille Marguerite, pour la sagesse et le courage avec lesquels elle a rempli mes intentions, exécuté mes plans, lorsque, trop absorbé par mes travaux, je lui ai remis les rênes de notre administration domestique.

— Ah ! maintenant, nous allons lire les contrats de mariage, dit Pierquin en regardant l’heure. Mais ces actes-là ne me regardent pas, attendu que la loi me défend d’instrumenter pour mes parents et pour moi. M. Raparlier l’oncle va venir. »