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« Bonjour, Pierquin », dit Balthazar Claës.

Redevenu père et mari, le chimiste prit son dernier enfant sur les genoux de sa femme, et l’éleva en l’air en le faisant rapidement descendre et le relevant alternativement.

« Voyez ce petit ? dit-il au notaire. Une si jolie créature ne vous donne-t-elle pas l’envie de vous marier ? Croyez-moi, mon cher, les plaisirs de famille consolent de tout. ─ Brr ! dit-il en enlevant Jean. Pound ! s’écriait-il en le mettant à terre. Brr ! Pound ! »

L’enfant riait aux éclats de se voir alternativement en haut du plafond et sur le parquet. La mère détourna les yeux pour ne pas trahir l’émotion que lui causait un jeu si simple en apparence et qui, pour elle, était toute une révolution domestique.

« Voyons comment tu vas », dit Balthazar en posant son fils sur le parquet et s’allant jeter dans une bergère. L’enfant courut à son père, attiré par l’éclat des boutons d’or qui attachaient la culotte au-dessus de l’oreille des bottes. « Tu es un mignon ! dit le père en l’embrassant, tu es un Claës, tu marches droit. ─ Hé bien ! Gabriel, comment se porte le père Morillon ? dit-il à son fils aîné en lui prenant l’oreille et la lui tortillant, te défends-tu vaillamment contre les thèmes, les versions ? mords-tu ferme aux mathématiques ? » Puis Balthazar se leva, vint à Pierquin, et lui dit avec cette affectueuse courtoisie qui le caractérisait : « Mon cher, vous avez peut-être quelque chose à me demander ? » Il lui donna le bras et l’entraîna dans le jardin, en ajoutant : « Venez voir mes tulipes ?… » Mme Claës regarda son mari pendant qu’il sortait, et ne sut pas contenir sa joie en le revoyant si jeune, si affable, si bien lui-même ; elle se leva, prit sa fille par la taille, et l’embrassa en disant :

« Ma chère Marguerite, mon enfant chérie, je t’aime encore mieux aujourd’hui que de coutume.

— Il y avait bien longtemps que je n’avais vu mon père si aimable », répondit-elle.

Lemulquinier vint annoncer que le dîner était servi. Pour éviter que Pierquin lui offrît le bras, Mme Claës prit celui de Balthazar, et toute la famille passa dans la salle à manger.

Cette pièce dont le plafond se composait de poutres apparentes, mais enjolivées par des peintures, lavées et rafraîchies tous les ans, était garnie de hauts dressoirs en chêne sur les tablettes desquels se voyaient les plus curieuses pièces de la vaisselle patrimoniale.