Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 14.djvu/362

Cette page n’a pas encore été corrigée

et je ne sais pas qui pourra la remettre. Voilà notre escalier déshonoré, cette rampe était si belle !

— Bah ! mon pauvre Mulquinier, ne la fais pas raccommoder, ce n’est pas un malheur. » « Qu’arrive-t-il donc, se dit Mulquinier, pour que ce ne soit pas un désastre ? mon maître aurait-il trouvé l’absolu ? » « Bonjour, monsieur Pierquin », dit Mme Claës en ouvrant la porte du parloir.

Le notaire accourut pour donner le bras à sa cousine mais elle ne prenait jamais que celui de son mari ; elle remercia donc son cousin par un sourire et lui dit : « Vous venez peut-être pour les trente mille francs ?

— Oui, madame, en rentrant chez moi, j’ai reçu une lettre d’avis de la maison Protez et Chiffreville qui a tiré, sur M. Claës, six lettres de change de chacune cinq mille francs.

— Hé bien, n’en parlez pas à Balthazar aujourd’hui, dit-elle. Dînez avec nous. Si par hasard il vous demandait pourquoi vous êtes venu, trouvez quelque prétexte plausible, je vous en prie.

Donnez-moi la lettre, je lui parlerai moi-même de cette affaire. Tout va bien, reprit-elle en voyant l’étonnement du notaire. Dans quelques mois, mon mari remboursera probablement les sommes qu’il a empruntées. » En entendant cette phrase dite à voix basse, le notaire regarda Mlle Claës qui revenait du jardin, suivie de Gabriel et de Félicie, et dit : « Je n’ai jamais vu Mlle Marguerite aussi jolie qu’elle l’est en ce moment. » Mme Claës, qui s’était assise dans sa bergère et avait pris sur ses genoux le petit Jean, leva la tête, regarda sa fille et le notaire en affectant un air indifférent.

Pierquin était de taille moyenne, ni gras, ni maigre, d’une figure vulgairement belle et qui exprimait une tristesse plus chagrine que mélancolique, une rêverie plus indéterminée que pensive ; il passait pour misanthrope, mais il était trop intéressé, trop grand mangeur pour que son divorce avec le monde fût réel. Son regard habituellement perdu dans le vide, son attitude indifférente, son silence affecté semblaient accuser de la profondeur, et couvraient en réalité le vide et la nullité d’un notaire exclusivement occupé d’intérêts humains, mais qui se trouvait encore assez jeune pour être envieux. S’allier à la Maison Claës aurait été pour