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famille. Le songe enivrant du succès dura peu ; après avoir respiré l’air de Paris, Balthazar partit fatigué d’une vie creuse qui ne convenait ni à son âme ardente ni à son cœur aimant. La vie domestique, si douce, si calme, et dont il se souvenait au seul nom de la Flandre, lui parut mieux convenir à son caractère et aux ambitions de son cœur. Les dorures d’aucun salon parisien n’avaient effacé les mélodies du parloir brun et du petit jardin où son enfance s’était écoulée si heureuse. Il faut n’avoir ni foyer ni patrie pour rester à Paris. Paris est la ville du cosmopolite ou des hommes qui ont épousé le monde et qui l’étreignent incessamment avec le bras de la Science, de l’Art ou du Pouvoir. L’enfant de la Flandre revint à Douai comme le pigeon de La Fontaine à son nid, il pleura de joie en y rentrant le jour où se promenait Gayant. Gayant, ce superstitieux bonheur de toute la ville, ce triomphe des souvenirs flamands, s’était introduit lors de l’émigration de sa famille à Douai. La mort de son père et celle de sa mère laissèrent la Maison Claës déserte, et l’y occupèrent pendant quelque temps. Sa première douleur passée, il sentit le besoin de se marier pour compléter l’existence heureuse dont toutes les religions l’avaient ressaisi ; il voulut suivre les errements du foyer domestique en allant, comme ses ancêtres, chercher une femme soit à Gand, soit à Bruges, soit à Anvers ; mais aucune des personnes qu’il y rencontra ne lui convint. Il avait sans doute, sur le mariage, quelques idées particulières, car il fut dès sa jeunesse accusé de ne pas marcher dans la voie commune. Un jour, il entendit parler, chez l’un de ses parents, à Gand, d’une demoiselle de Bruxelles qui devint l’objet de discussions assez vives. Les uns trouvaient que la beauté de Mlle de Temninck s’effaçait par ses imperfections ; les autres la voyaient parfaite malgré ses défauts. Le vieux cousin de Balthazar Claës dit à ses convives que, belle ou non, elle avait une âme qui la lui ferait épouser, s’il était à marier ; et il raconta comment elle venait de renoncer à la succession de son père et de sa mère afin de procurer à son jeune frère un mariage digne de son nom, en préférant ainsi le bonheur de ce frère au sien propre et lui sacrifiant toute sa vie. Il n’était pas à croire que Mlle de Temninck se mariât vieille et sans fortune, quand, jeune héritière, il ne se présentait aucun parti pour elle. Quelques jours après, Balthazar Claës recherchait Mlle de Temninck, alors âgée de vingt-cinq ans, et de laquelle il s’était vivement épris. Joséphine de Temninck se crut l’objet