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blanc dans le dernier siècle, et supportait un vieux cartel et deux flambeaux à cinq branches contournées, de mauvais goût, mais en argent massif. Les quatre fenêtres étaient décorées de grands rideaux en damas rouge, à fleurs noires, doublés de soie blanche, et le meuble de même étoffe avait été renouvelé sous Louis XIV. Le parquet, évidemment moderne, était composé de grandes plaques de bois blanc encadrées par des bandes de chêne. Le plafond formé de plusieurs cartouches, au fond desquels était un mascaron ciselé par Van Huysium, avait été respecté et conservait les teintes brunes du chêne de Hollande.

Aux quatre coins de ce parloir s’élevaient des colonnes tronquées, surmontées par des flambeaux semblables à ceux de la cheminée, une table ronde en occupait le milieu. Le long des murs, étaient symétriquement rangées des tables à jouer. Sur deux consoles dorées, à dessus de marbre blanc, se trouvaient à l’époque où commence cette histoire deux globes de verre pleins d’eau dans lesquels nageaient sur un lit de sable et de coquillages des poissons rouges, dorés ou argentés.

Cette pièce était à la fois brillante et sombre. Le plafond absorbait nécessairement la clarté, sans en rien refléter. Si du côté du jardin le jour abondait et venait papilloter dans les tailles de l’ébène, les croisées de la cour donnant peu de lumière faisaient à peine briller les filets d’or imprimés sur les parois opposées. Ce parloir si magnifique par un beau jour était donc, la plupart du temps, rempli des teintes douces, des tons roux et mélancoliques que le soleil épanche sur la cime des forêts en automne. Il est inutile de continuer la description de la Maison Claës dans les autres parties de laquelle se passeront nécessairement plusieurs scènes de cette histoire, il suffit, en ce moment, d’en connaître les principales dispositions.

En 1812, vers les derniers jours du mois d’août, un dimanche, après vêpres, une femme était assise dans sa bergère devant une des fenêtres du jardin.

Les rayons du soleil tombaient alors obliquement sur la maison, la prenaient en écharpe, traversaient le parloir, expiraient en reflets bizarres sur les boiseries qui tapissaient les murs du côté de la cour, et enveloppaient cette femme dans la zone pourpre projetée par le rideau de damas drapé le long de la fenêtre. Un peintre médiocre qui dans ce moment aurait copié cette femme, eût certes produit une œuvre saillante avec une tête si pleine de douleur et de mélancolie. La pose du corps et celle des pieds jetés en avant accusaient l’abattement d’une personne qui perd la