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Le curé la ramena sur la terrasse, et lui dit : — Eh ! bien, madame, de quoi causiez-vous donc avec Farrabesche ?

Pour ne pas mentir, Véronique ne voulut pas répondre, elle interrogea monsieur Bonnet.

— Cet homme est votre première victoire !

— Oui, répondit-il. Sa conquête devait me donner tout Montégnac, et je ne me suis pas trompé.

Véronique serra la main de monsieur Bonnet, et lui dit d’une voix pleine de larmes : — Je suis dès aujourd’hui votre pénitente, monsieur le curé. J’irai demain vous faire une confession générale.

Ce dernier mot révélait chez cette femme un grand effort intérieur, une terrible victoire remportée sur elle-même, le curé la ramena, sans lui rien dire, au château, et lui tint compagnie jusqu’au moment du dîner, en lui parlant des immenses améliorations de Montégnac.

— L’agriculture est une question de temps, dit-il, et le peu que j’en sais m’a fait comprendre quel gain il y a dans un hiver mis à profit. Voici les pluies qui commencent, bientôt nos montagnes seront couvertes de neige, vos opérations deviendront impossibles, ainsi pressez monsieur Grossetête.

Insensiblement, monsieur Bonnet, qui fit des frais et força madame Graslin de se mêler à la conversation, à se distraire, la laissa presque remise des émotions de cette journée. Néanmoins, la Sauviat trouva sa fille si violemment agitée qu’elle passa la nuit auprès d’elle.

Le surlendemain, un exprès, envoyé de Limoges par monsieur Grossetête à madame Graslin, lui remit les lettres suivantes.

À MADAME GRASLIN.

« Ma chère enfant, quoiqu’il fût difficile de vous trouver des chevaux, j’espère que vous êtes contente des trois que je vous ai envoyés. Si vous voulez des chevaux de labour ou des chevaux de trait, il faudra se pourvoir ailleurs. Dans tous les cas, il vaut mieux faire vos labours et vos transports avec des bœufs. Tous les pays où les travaux agricoles se font avec des chevaux perdent un capital quand le cheval est hors de service ; tandis qu’au lieu de constituer une perte, les bœufs donnent un profit aux cultivateurs qui s’en servent.