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installation à Montégnac, Véronique se trouvait en état d’aller entendre la messe à l’église, elle y vint et prit possession du banc qu’elle y possédait à la chapelle de la Vierge. En voyant combien cette pauvre église était dénuée, elle se promit de consacrer chaque année une somme aux besoins de la fabrique et à l’ornement des autels. Elle entendit la parole douce, onctueuse, angélique du curé, dont le prône, quoique dit en termes simples et à la portée de ces intelligences, fut vraiment sublime. Le sublime vient du cœur, l’esprit ne le trouve pas, et la religion est une source intarissable de ce sublime sans faux brillants ; car le catholicisme, qui pénètre et change les cœurs, est tout cœur. Monsieur Bonnet trouva dans l’épître un texte à développer qui signifiait que, tôt ou tard, Dieu accomplit ses promesses, favorise les siens et encourage les bons. Il fit comprendre les grandes choses qui résulteraient pour la paroisse de la présence d’un riche charitable, en expliquant que les devoirs du pauvre étaient aussi étendus envers le riche bienfaisant que ceux du riche l’étaient envers le pauvre, leur aide devait être mutuelle.

Farrabesche avait parlé à quelques-uns de ceux qui le voyaient avec plaisir, par suite de cette charité chrétienne que monsieur Bonnet avait mise en pratique dans la paroisse, de la bienveillance dont il était l’objet. La conduite de madame Graslin envers lui venait d’être le sujet des conversations de toute la commune, rassemblée sur la place de l’église avant la messe, suivant l’usage des campagnes. Rien n’était plus propre à concilier à cette femme l’amitié de ces esprits, éminemment susceptibles. Aussi, quand Véronique sortit de l’église, trouva-t-elle presque toute la paroisse rangée en deux haies. Chacun, à son passage, la salua respectueusement dans un profond silence. Elle fut touchée de cet accueil sans savoir quel en était le vrai motif, elle aperçut Farrabesche un des derniers et lui dit : — Vous êtes un adroit chasseur, n’oubliez pas de nous apporter du gibier.

Quelques jours après, Véronique alla se promener avec le curé dans la partie de la forêt qui avoisinait le château, et voulut descendre avec lui les vallées étagées qu’elle avait aperçues de la maison de Farrabesche. Elle acquit alors la certitude de la disposition des hauts affluents du Gabou. Par suite de cet examen, le curé remarqua que les eaux qui arrosaient quelques parties du haut Montégnac venaient des monts de la Corrèze. Ces chaînes se