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jadis brodées de sculptures aujourd’hui détruites par les intempéries de l’atmosphère, ne se tenait d’aplomb : les unes donnaient du nez, les autres rentraient, quelques-unes voulaient se disjoindre ; toutes avaient du terreau apporté on ne sait comment dans les fentes creusées par la pluie, et d’où s’élançaient au printemps quelques fleurs légères, de timides plantes grimpantes, des herbes grêles. La mousse veloutait les toits et les appuis. Le pilier du coin, quoiqu’en maçonnerie composite, c’est-à-dire de pierres mêlées de briques et de cailloux, effrayait le regard par sa courbure ; il paraissait devoir céder quelque jour sous le poids de la maison dont le pignon surplombait d’environ un demi-pied. Aussi l’autorité municipale et la grande voirie firent-elles abattre cette maison après l’avoir achetée, afin d’élargir le carrefour. Ce pilier, situé à l’angle des deux rues, se recommandait aux amateurs d’antiquités limousines par une jolie niche sculptée où se voyait une vierge, mutilée pendant la Révolution. Les bourgeois à prétentions archéologiques y remarquaient les traces de la marge en pierre destinée à recevoir les chandeliers où la piété publique allumait des cierges, mettait ses ex-voto et des fleurs. Au fond de la boutique, un escalier de bois vermoulu conduisait aux deux étages supérieurs surmontés d’un grenier. La maison, adossée aux deux maisons voisines, n’avait point de profondeur, et ne tirait son jour que des croisées. Chaque étage ne contenait que deux petites chambres, éclairées chacune par une croisée, donnant l’une sur la rue de la Cité, l’autre sur la rue de la Vieille-Poste. Au moyen âge, aucun artisan ne fut mieux logé. Cette maison avait évidemment appartenu jadis à des faiseurs d’haubergeons, à des armuriers, à des couteliers, à quelques maîtres dont le métier ne haïssait pas le plein air ; il était impossible d’y voir clair sans que les volets ferrés fussent enlevés sur chaque face où, de chaque côté du pilier, il y avait une porte, comme dans beaucoup de magasins situés au coin de deux rues. À chaque porte, après le seuil en belle pierre usée par les siècles, commençait un petit mur à hauteur d’appui, dans lequel était une rainure répétée à la poutre d’en haut sur laquelle reposait le mur de chaque façade. Depuis un temps immémorial on glissait de grossiers volets dans cette rainure, on les assujettissait par d’énormes bandes de fer boulonnées ; puis, les deux portes une fois closes par un mécanisme semblable, les marchands se trouvaient dans leur maison comme dans une forteresse. En exa-