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écrivez-lui que s’il veut obéir à mes dernières paroles, il ne portera pas les armes contre la France, sans néanmoins abandonner le service du Roi.

— Ce sera fait, dit Hulot en serrant la main du mourant.

— Portez-les à l’hôpital voisin, s’écria Corentin.

Hulot prit l’espion par le bras, de manière à lui laisser l’empreinte de ses ongles dans la chair, et lui dit : — Puisque ta besogne est finie par ici, fiche-moi le camp, et regarde bien la figure du commandant Hulot, pour ne jamais te trouver sur son passage, si tu ne veux pas qu’il fasse de ton ventre le fourreau de son bancal.

Et déjà le vieux soldat tirait son sabre.

— Voilà encore un de mes honnêtes gens qui ne feront jamais fortune, se dit Corentin quand il fut loin du corps de garde.

Le marquis put encore remercier par un signe de tête son adversaire, en lui témoignant cette estime que les soldats ont pour de loyaux ennemis.

En 1827, un vieil homme accompagné de sa femme marchandait des bestiaux sur le marcher de Fougères, et personne ne lui disait rien quoiqu’il eut tué plus de cent personnes, on ne lui rappelait même plus son surnom de Marche-à-Terre ; la personne à qui l’on doit de précieux renseignements sur tout les personnages de cette scène, le vit emmenant une vache et allant de cet air simple, ingénu qui fait dire : — Voilà un bien brave homme !

Quant à Cibot, dit Pille-Miche, on a déjà vu comment il a fini. Peut-être Marche-à-Terre essaya-t-il, mais vainement, d’arracher son compagnon à l’échafaud, et se trouvait-il sur la place d’Alençon, lors de l’effroyable tumulte qui fut un des événement du fameux procès Rifoël, Bryond et La Chanterie.


Fougères, août 1827.