Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/275

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

blante, elle fit le serment demandé par cet homme dont les manières venaient de changer subitement.

— Vous pouvez disposer de moi, dit Corentin. Ne me trompez pas, et vous me bénirez ce soir.

— Je vous crois, Corentin, s’écria mademoiselle de Verneuil tout attendrie. Elle le salua par une douce inclination de tête, et lui sourit avec une bonté mêlée de surprise en lui voyant sur la figure une expression de tendresse mélancolique.

— Quelle ravissante créature ! s’écria Corentin en s’éloignant. Ne l’aurais-je donc jamais, pour en faire à la fois, l’instrument de ma fortune et la source de mes plaisirs ? Se mettre à mes pieds, elle !… Oh ! oui, le marquis périra. Et si je ne puis obtenir cette femme qu’en la plongeant dans un bourbier, je l’y plongerai. — Enfin, se dit-il à lui-même en arrivant sur la place où ses pas le conduisirent à son insu, elle ne se défie peut-être plus de moi. Cent mille écus à l’instant ! Elle me croit avare. C’est une ruse, ou elle l’a épousé. Corentin, perdu dans ses pensées, n’osait prendre une résolution. Le brouillard que le soleil avait dissipé vers le milieu du jour, reprenait insensiblement toute sa force et devint si épais que Corentin n’apercevait plus les arbres même à une faible distance. — Voilà un nouveau malheur, se dit-il en rentrant à pas lents chez lui. Il est impossible d’y voir à six pas. Le temps protège nos amants. Surveillez donc une maison gardée par un tel brouillard. — Qui vive ! s’écria-t-il en saisissant le bras d’un inconnu qui semblait avoir grimpé sur la promenade à travers les roches les plus périlleuses.

— C’est moi, répondit naïvement une voix enfantine.

— Ah ! c’est le petit gars au pied rouge. Ne veux-tu pas venger ton père, lui demanda Corentin.

— Oui ! dit l’enfant.

— C’est bien. Connais-tu le Gars ?

— Oui.

— C’est encore mieux. Eh ! bien, ne me quitte pas, sois exact à faire tout ce que je te dirai, tu achèveras l’ouvrage de ta mère, et tu gagneras des gros sous. Aimes-tu les gros sous ?

— Oui.

— Tu aimes les gros sous et tu veux tuer le Gars, je prendrai soin de toi. — Allons, se dit en lui-même Corentin après une pause, Marie, tu nous le livreras toi-même ! Elle est trop violente pour juger