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monsieur le comte, au revoir ! et s’élança dans le sentier après avoir repris son large chapeau.

— J’apprends un peu trop tard, dit amèrement le comte de Bauvan, qu’il ne faut jamais plaisanter avec l’honneur de celles qui n’en ont plus.

— Aristocrate, s’écria durement Beaupied, si tu ne veux pas que je t’envoie dans ton ci-devant paradis, ne dis rien contre cette belle dame.

Mademoiselle de Verneuil revint à Fougères par les sentiers qui joignent les roches de Saint-Sulpice au Nid-aux-crocs. Quand elle atteignit cette dernière éminence et qu’elle courut à travers le chemin tortueux pratiqué sur les aspérités du granit, elle admira cette jolie petite vallée du Nançon naguère si turbulente, alors parfaitement tranquille. Vu de là, le vallon ressemblait à une rue de verdure. Mademoiselle de Verneuil rentra par la porte Saint-Léonard, à laquelle aboutissait ce petit sentier. Les habitants, encore inquiets du combat qui, d’après les coups de fusil entendus dans le lointain, semblait devoir durer pendant la journée, y attendaient le retour de la garde nationale pour reconnaître l’étendue de leurs pertes. En voyant cette fille dans son bizarre costume, les cheveux en désordre, un fusil à la main, son châle et sa robe frottés contre les murs, souillés par la boue et mouillé par la rosée, la curiosité des Fourgerais fut d’autant plus vivement excitée, que le pouvoir, la beauté, la singularité de cette Parisienne, défrayaient déjà toutes leurs conversations.

Francine, en proie à d’horribles inquiétudes, avait attendu sa maîtresse pendant toute la nuit ; et quand elle la revit, elle voulut parler, mais un geste amical lui imposa silence.

— Je ne suis pas morte, mon enfant, dit Marie. Ah ! je voulais des émotions en partant de Paris ?… j’en ai eu, ajouta-t-elle après une pause.

Francine voulut sortir pour commander un repas, en faisant observer à sa maîtresse qu’elle devait en avoir grand besoin.

— Oh ! dit mademoiselle de Verneuil, un bain, un bain ! La toilette avant tout.

Francine ne fut pas médiocrement surprise d’entendre sa maîtresse lui demandant les modes les plus élégantes de celles qu’elle avait emballées. Après avoir déjeuné, Marie fit sa toilette avec la recherche et les soins minutieux qu’une femme met à cette œuvre