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Marthe, fidèle aux sentiments de la femme et ne sachant pas d’ailleurs la prouesse de son fils, gardait le brigadier en compagnie de sa mère.

— On attend monsieur Varlet, le médecin d’Arcis, dit madame Michu, Gaucher est allé le chercher.

— Laissez-nous pendant un moment, dit Corentin assez surpris de ce spectacle où éclatait l’innocence des deux femmes. — Comment avez-vous été atteint ? demanda-t-il en regardant l’uniforme.

— À la poitrine, répondit le brigadier.

— Voyons votre buffleterie, demanda Corentin.

Sur la bande jaune bordée de lisérés blancs, qu’une loi récente avait donnée à la gendarmerie dite nationale, en stipulant les moindres détails de son uniforme, se trouvait une plaque assez semblable à la plaque actuelle des gardes champêtres, et où la loi avait enjoint de graver ces singuliers mots : Respect aux personnes et aux propriétés ! La corde avait porté nécessairement sur la buffleterie et l’avait vigoureusement mâchurée. Corentin prit l’habit et regarda l’endroit où manquait le bouton trouvé sur le chemin.

— À quelle heure vous a-t-on ramassé ? demanda Corentin.

— Mais au petit jour.

— Vous a-t-on monté sur-le-champ ici ? dit Corentin en remarquant l’état du lit qui n’était pas défait.

— Oui.

— Qui vous y a monté ?

— Les femmes et le petit Michu qui m’a trouvé sans connaissance.

— Bon ! Ils ne se sont pas couchés, se dit Corentin. Le brigadier n’a été atteint ni par un coup de feu, ni par un coup de bâton, car son adversaire, pour le frapper, aurait dû se mettre à sa hauteur, et se fût trouvé à cheval ; il n’a donc pu être désarmé que par un obstacle opposé à son passage. Une pièce de bois ? Pas possible. Une chaîne de fer ? Elle aurait laissé des marques. — Qu’avez-vous senti ? dit-il tout haut au brigadier en venant l’examiner.

— J’ai été renversé si brusquement…

— Vous avez la peau écorchée sous le menton.

— Il me semble, répondit le brigadier, que j’ai eu la figure labourée par une corde…