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Ils sortirent en laissant un gendarme à la porte du salon. L’adresse infernale de ces deux hommes venait de remporter un horrible avantage dans ce duel en prenant Laurence au piège d’une de leurs ruses habituelles.

À six heures du matin, au petit jour, les deux agents revinrent. Après avoir exploré le chemin creux, ils s’étaient assurés que les chevaux y avaient passé pour aller dans la forêt. Ils attendaient les rapports du capitaine de gendarmerie chargé d’éclairer le pays. Tout en laissant le château cerné sous la surveillance d’un brigadier, ils allèrent pour déjeuner chez un cabaretier de Cinq-Cygne, mais toutefois après avoir donné l’ordre de mettre en liberté Gothard qui n’avait cessé de répondre à toutes les questions par des torrents de pleurs, et Catherine qui restait dans sa silencieuse immobilité. Catherine et Gothard vinrent au salon, et baisèrent les mains de Laurence qui gisait étendue dans la bergère. Durieu vint annoncer que Stella ne mourrait pas ; mais elle exigeait bien des soins.

Le maire, inquiet et curieux, rencontra Peyrade et Corentin dans le village. Il ne voulut pas souffrir que des employés supérieurs déjeunassent dans un méchant cabaret, il les emmena chez lui. L’abbaye était à un quart de lieue. Tout en cheminant, Peyrade remarqua que le brigadier d’Arcis n’avait fait parvenir aucune nouvelle de Michu ni de Violette.

— Nous avons affaire à des gens de qualité, dit Corentin, ils sont plus forts que nous. Le prêtre y est sans doute pour quelque chose.

Au moment où madame Goulard faisait entrer les deux employés dans une vaste salle à manger, sans feu, le lieutenant de gendarmerie arriva, l’air assez effaré.

— Nous avons rencontré le cheval du brigadier d’Arcis dans la forêt, sans son maître, dit-il à Peyrade.

— Lieutenant, s’écria Corentin, courez au pavillon de Michu, sachez ce qui s’y passe ! On aura tué le brigadier.

Cette nouvelle nuisit au déjeuner du maire. Les Parisiens avalèrent tout avec une rapidité de chasseurs mangeant à une halte, et revinrent au château dans leur cabriolet d’osier attelé du cheval de poste, pour pouvoir se porter rapidement sur tous les points où leur présence serait nécessaire. Quand ces deux hommes reparurent dans ce salon, où ils avaient jeté le trouble, l’effroi, la douleur et les plus cruelles anxiétés, ils y trouvèrent Laurence en robe