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hir les fils de Saint-Louis ! — « Moi, s’écria-t-elle, j’aurais réussi. N’a-t-on pas, dit-elle à l’abbé Goujet en remarquant la profonde stupéfaction produite par son mot sur toutes les figures, le droit d’attaquer l’usurpation par tous les moyens possibles ? — Mon enfant, répondit l’abbé Goujet, l’Église a été bien attaquée et blâmée par les philosophes pour avoir jadis soutenu qu’on pouvait employer contre les usurpateurs les armes que les usurpateurs avaient employées pour réussir ; mais aujourd’hui l’Église doit trop à monsieur le Premier Consul pour ne pas le protéger et le garantir contre cette maxime, due d’ailleurs aux Jésuites. — Ainsi l’Église nous abandonne ! » avait-elle répondu d’un air sombre.

Dès ce jour, toutes les fois que ces quatre vieillards parlaient de se soumettre à la Providence, la jeune comtesse quittait le salon. Depuis quelque temps, le curé, plus adroit que le tuteur, au lieu de discuter les principes, faisait ressortir les avantages matériels du gouvernement consulaire, moins pour convertir la comtesse que pour surprendre dans ses yeux des expressions qui pussent l’éclairer sur ses projets. Les absences de Gothard, les courses multipliées de Laurence et sa préoccupation qui, dans ces derniers jours, parut à la surface de sa figure, enfin une foule de petites choses qui ne pouvaient échapper dans le silence et la tranquillité de la vie à Cinq-Cygne, surtout aux yeux inquiets des d’Hauteserre, de l’abbé Goujet et des Durieu, tout avait réveillé les craintes de ces royalistes soumis. Mais comme aucun événement ne se produisait, et que le calme le plus parfait régnait dans la sphère politique depuis quelques jours, la vie de ce petit château était redevenue paisible. Chacun avait attribué les courses de la comtesse à sa passion pour la chasse.

On peut imaginer le profond silence qui régnait dans le parc, dans les cours, au-dehors, à neuf heures, au château de Cinq-Cygne, où dans ce moment les choses et les personnes étaient si harmonieusement colorées, où régnait la paix la plus profonde, où l’abondance revenait, où le bon et sage gentilhomme espérait convertir sa pupille à son système d’obéissance par la continuité des heureux résultats. Ces royalistes continuaient à jouer le jeu de boston qui répandit par toute la France les idées d’indépendance sous une forme frivole, qui fut inventé en l’honneur des insurgés d’Amérique, et dont tous les termes rappellent la lutte encouragée par Louis XVI. Tout en faisant des indépendances ou des misères, ils observaient