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sion de rendre service au gouvernement ou à Malin qui se défiait de Michu. Violette, aidé par le garde particulier de Gondreville, par le garde champêtre et par quelques faiseurs de fagots, tenait le commissaire de police d’Arcis au courant des moindres actions de Michu. Ce fonctionnaire avait tenté, mais inutilement, de mettre Marianne, la servante de Michu, dans les intérêts du gouvernement ; mais Violette et ses affidés savaient tout par Gaucher, le petit domestique sur la fidélité duquel Michu comptait, et qui le trahissait pour des vétilles, pour des gilets, des boucles, des bas de coton, des friandises. Ce garçon ne soupçonnait pas d’ailleurs l’importance de ses bavardages. Violette noircissait toutes les actions de Michu, il les rendait criminelles par les plus absurdes suppositions à l’insu du régisseur, qui savait néanmoins le rôle ignoble joué chez lui par le fermier, et qui se plaisait à le mystifier.

— Vous avez donc bien des affaires à Bellache, que vous voilà encore ! dit Michu.

— Encore ! c’est un mot de reproche, monsieur Michu. Vous ne comptez pas siffler aux moineaux avec une pareille clarinette ! Je ne vous connaissais point cette carabine-là…

— Elle a poussé dans un de mes champs où il vient des carabines, répondit Michu. Tenez, voilà comme je les sème.

Le régisseur mit en joue une vipérine à trente pas de lui et la coupa net.

— Est-ce pour garder votre maître que vous avez cette arme de bandit ? Il vous en aura peut-être fait cadeau.

— Il est venu de Paris exprès pour me l’apporter, répondit Michu.

— Le fait est qu’on jase bien, dans tout le pays, de son voyage ; les uns le disent en disgrâce, et qu’il se retire des affaires, les autres qu’il veut voir clair ici ; au fait, pourquoi qu’il arrive sans dire gare, absolument comme le Premier Consul ? Saviez-vous qu’il venait ?

— Je ne suis pas assez bien avec lui pour être dans sa confidence.

— Vous ne l’avez donc pas encore vu ?

— Je n’ai su son arrivée qu’à mon retour de ma ronde dans la forêt, répliqua Michu qui rechargeait sa carabine.

— Il a envoyé chercher monsieur Grévin à Arcis, ils vont tribuner quelque chose…

Malin avait été tribun.