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VAUTRIN.

Allons, on mettra une sourdine à son esprit, et un crêpe à son chapeau.

RAOUL.

Oui. Car il est impossible à l’enfant jeté dans le ménage d’un pêcheur d’Alghero de devenir prince d’Arjos, et perdre Inès, c’est mourir de douleur.

VAUTRIN.

Douze cent mille livres de rente, le titre de prince, des grandesses et des économies, mon vieux, il ne faut pas voir cela trop en noir.

RAOUL.

Si tu m’aimes, pourquoi des plaisanteries quand je suis au désespoir ?

VAUTRIN.

Et d’où vient donc ton désespoir ?

RAOUL.

Le duc et le marquis m’ont tout à l’heure insulté chez eux, devant elle, et j’ai vu s’éteindre toutes mes espérances… On m’a fermé la porte de l’hôtel de Christoval. J’ignore encore pourquoi la duchesse de Montsorel m’a fait venir. Depuis deux jours elle me témoigne un intérêt que je ne puis m’expliquer.

VAUTRIN.

Et qu’allais-tu donc faire chez ton rival ?

RAOUL.

Mais tu sais donc tout ?

VAUTRIN.

Et bien d’autres choses Enfin, tu veux Inès de Christoval ? tu peux te passer cette fantaisie.

RAOUL.

Si tu te jouais de moi ?

VAUTRIN.

Raoul, on t’a fermé la porte de l’hôtel de Christoval… tu seras demain le prétendu de la princesse d’Arjos, et les Montsorel seront renvoyés, tout Montsorel qu’ils sont.

RAOUL.

Ma douleur vous rend fou.

VAUTRIN.

Qui t’a jamais autorisé à douter de ma parole ? qui t’a donné un cheval arabe, pour faire enrager tous les dandys exotiques ou in-