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tout de suite par leur nom, c’est trop bête pour ne pas être très-spirituel. Si le prétendu intendant, car il n’y a plus d’intendant, si le baron est de la force de son valet, ce n’est guère que sur ce qu’ils voudront me cacher que je pourrai baser mes inductions. Ce salon est très-bien. Ni portrait du roi, ni souvenir impérial, allons ! ils n’encadrent pas leurs opinions. Les meubles disent-ils quelque chose ? non. C’est même encore trop neuf pour être déjà payé. Sans l’air que le portier a sifflé, et qui doit être un signal, je commencerais à croire aux Frescas.


Scène VIII.

SAINT-CHARLES, VAUTRIN, LAFOURAILLE.
LAFOURAILLE.

Foilà, mennesir, le paron te Fieille-Chêne !

(Vautrin paraît vêtu d’un habit marron très-clair d’une coupe très-antique, à gros boutons de métal ; il a une culotte de soie noire, des bas de soie noire, des souliers à boucles d’or, un gilet carré à fleurs, deux chaînes de montre, cravate du temps de la Révolution, une perruque de cheveux blancs, une figure de vieillard, fin, usé, débauché, le parler doux et la voix cassée.)

VAUTRIN, à Lafouraille.

C’est bien, laissez-nous. (Lafouraille sort. À part.) À nous deux, monsieur Blondet. (Haut.) Monsieur, je suis bien votre serviteur.

SAINT-CHARLES, à part.

Un renard usé, c’est encore dangereux. (Haut.) Excusez-moi, monsieur le baron, si je vous dérange sans avoir l’honneur d’être connu de vous.

VAUTRIN.

Je devine, Monsieur, ce dont il s’agit.

SAINT-CHARLES, à part.

Bah !

VAUTRIN.

Vous êtes architecte, et vous venez traiter avec moi ; mais j’ai déjà des offres superbes.

SAINT-CHARLES.

Pardon, votre Allemand vous aura mal dit mon nom. Je suis le chevalier de Saint-Charles.

VAUTRIN, levant ses lunettes.

Oh ! mais attendez donc… nous sommes de vieilles connaissan-