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LAFOURAILLE.

Vautrin ! notre ami.

PHILOSOPHE.

Grand Vautrin !

FIL-DE-SOIE.

Notre vieux compagnon, fais de nous tout ce que tu voudras.

VAUTRIN.

Oui, je puis faire de tous tout ce que je veux. Quand je pense à ce que vous dérangez pour prendre des breloques, j’éprouve l’envie de tous renvoyer d’où je vous ai tirés. Vous êtes ou au dessus ou en dessous de la société, la lie ou l’écume ; moi, je voudrais vous y faire rentrer. On vous huait quand vous passiez, je veux qu’on vous salue ; vous étiez des scélérats, je veux que vous soyez plus que d’honnêtes gens.

PHILOSOPHE.

Il y a donc mieux ?

BUTEUX.

Il y a ceux qui ne sont rien du tout.

VAUTRIN.

Il y a ceux qui décident de l’honnêteté des autres. Vous ne serez jamais d’honnêtes bourgeois, vous ne pouvez être que des malheureux ou des riches ; il vous faut donc enjamber la moitié du monde ! Prenez un bain d’or, et vous en sortirez vertueux.

FIL-DE-SOIE.

Oh ! moi, quand je n’aurai besoin de rien, je serai bon prince.

VAUTRIN.

Eh bien ! toi, Lafouraille, tu peux être, comme l’un de nous, comte de Sainte-Hélène ; et toi, Buteux, que veux-tu ?

BUTEUX.

Je veux être philanthrope, on devient millionnaire.

PHILOSOPHE.

Et moi banquier.

FIL-DE-SOIE.

Il veut être patenté.

VAUTRIN.

Soyez donc, à propos, aveugles et clairvoyants, adroits et gauches, niais et spirituels (comme tous ceux qui veulent faire fortune). Ne me jugez jamais, et n’entendez que ce que je veux dire. Vous me demandez ce qu’est Raoul de Frescas ? Je vais vous l’expliquer il va bientôt avoir douze cent mille livres de rente, il sera prince,