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Scène X.

Les mêmes, LE GÉNÉRAL.
LE GÉNÉRAL, à Vernon.

Elle se meurt, mon ami ! Si je la perds, je n’y survivrai pas.

VERNON.

Mon ami !

LE GÉNÉRAL.

Il me semble qu’il y a bien du monde ici… Que fait-on ? Sauvez la ! Où donc est Gertrude ?

(On le fait asseoir au fond à gauche.)
GERTRUDE, se traînant aux pieds du général.

Mon ami !… pauvre père !… Ah ! je voudrais que l’on me tuât à l’instant, sans procès… (Elle se lève.) Non, Pauline m’a enveloppée dans son suaire, et je sens ses doigts glacés autour de mon cou… Oh ! j’étais résignée ! j’allais, oui, j’allais ensevelir avec moi le secret de ce drame domestique, épouvantable, et que toutes les femmes devraient connaître ! mais je suis lasse de cette lutte avec un cadavre qui m’étreint, qui me communique la mort ! Eh bien ! mon innocence sortira victorieuse de ces aveux aux dépens de l’honneur ; mais je ne serai pas du moins une lâche et vile empoisonneuse. Ah ! je vais tout dire.

LE GÉNÉRAL, se levant et s’avançant.

Ah ! vous allez donc dire à la justice ce que vous me taisez si obstinément depuis deux jours. oh ! lâche et ingrate créature… mensonge caressant… Vous m’avez tué ma fille, qu’allez-vous me tuer encore !

GERTRUDE.

Faut-il se taire !… Faut-il parler ?

RAMEL.

Général, de grâce, retirez-vous ? la loi le veut.

LE GÉNÉRAL.

La loi !… vous êtes la justice des hommes ; moi, je suis la justice de Dieu, je suis plus que vous tous ! je suis l’accusateur, le tribunal, l’arrêt et l’exécuteur… Allons, parlez, Madame.

GERTRUDE, aux genoux du général.

Pardon, Monsieur… Oui, je suis…

RAMEL, à part.

Oh ! la malheureuse !