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RAMEL.

Permettez, monsieur Cordier : monsieur est un vieillard sincère et loyal (Il prend Vernon à part.) Vous avez dû pénétrer la cause de ce crime ?

VERNON.

C’est la rivalité de deux femmes, poussées aux dernières extrémités par des passions impitoyables… et je dois me taire.

RAMEL.

Je sais tout.

VERNON.

Vous ? Monsieur !

RAMEL.

Et, comme vous, sans doute, j’ai tout fait pour prévenir cette catastrophe ; car Ferdinand devait partir cette nuit. J’ai connu mademoiselle Gertrude de Meilhac autrefois chez mon ami.

VERNON.

Oh ! Monsieur, soyez clément ! ayez pitié d’un vieux soldat, criblé de blessures et plein d’illusions… Il va perdre sa fille et sa femme… qu’il ne perde pas son honneur.

RAMEL.

Nous nous comprenons ! Tant que Gertrude ne fera pas d’aveux qui nous forcent à ouvrir les yeux, je tâcherai de démontrer au juge d’instruction, et il est bien fin, bien intègre, il a dix ans de pratique ; eh bien, je lui ferai croire que la cupidité seule a guidé la main de madame Grandchamp ! Aidez-moi. (Le juge s’approche, Ramel fait un signe à Vernon et prend un air sévère.) Pourquoi madame de Grandchamp aurait-elle endormi sa belle-fille ? Allons, vous devez le savoir, vous, l’ami de la maison.

VERNON.

Pauline devait me confier ses secrets, sa belle-mère a deviné que j’allais savoir des choses qu’elle avait intérêt à tenir cachées ; et voilà, Monsieur, pourquoi, sans doute, elle m’a fait partir pour aller soigner un ouvrier bien portant, et non pour éloigner les secours à donner à Pauline, car Louviers n’est pas si loin…

LE JUGE.

Quelle préméditation !.. (À Ramel.) Elle ne pourra pas s’en tirer si nous trouvons les preuves du crime dans le secrétaire… Elle ne nous attend pas, elle sera foudroyée !…