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Scène IX.

La scène change. La chambre de Pauline. C’est une petite chambre simple, le lit au fond, une table ronde à gauche. Il existe une sortie dérobée à gauche, et l’entrée est à droite.

PAULINE.

Enfin, me voilà seule, je puis ne plus me contraindre ! Marié !!! mon Ferdinand marié !!! Ce serait le plus lâche, le plus infâme, le plus vil des hommes ! je le tuerais ! — Le tuer !… non, mais je ne survivrais pas une heure à cette certitude… Ma belle-mère m’est odieuse ! ah ! si elle devient mon ennemie, elle aura la guerre, et je la lui ferai bonne. Ce sera terrible : je dirai tout ce que je sais à mon père. (Elle regarde à sa montre.) Onze heures et demie, il ne peut venir qu’à minuit, quand tout dort. Pauvre Ferdinand ! risquer sa vie ainsi pour une heure de causerie avec sa future ! est-ce aimer ? On ne fait pas de telles entreprises pour toutes les femmes ! aussi de quoi ne serais-je pas capable pour lui ! Si mon père nous surprenait, ce serait moi qui recevrais le premier coup. Oh ! douter de l’homme qu’on aime, c’est je crois un plus cruel supplice que de le perdre : la mort, on l’y suit ; mais le doute !… c’est la séparation. Ah ! je l’entends.


Scène X.

FERDINAND, PAULINE ; elle pousse les verrous.
PAULINE.

Es-tu marié ?

FERDINAND.

Quelle plaisanterie !… Ne te l’aurais-je pas dit ?

PAULINE.

Ah ! (Elle tombe dans un fauteuil, puis à genoux.) Sainte Vierge, quel vœu vous faire ? (Elle embrasse la main de Ferdinand.) Et toi, sois mille fois béni.