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GODARD.

De Rimonville.

VERNON le regarde et se mouche. Continuant.

S’il la tue, c’est par erreur, pour avoir tapé trop fort ; et il est au désespoir ; tandis que Champagne est assez naïvement enchanté d’être naturellement veuf. En effet, sa femme est morte du choléra. C’est un cas assez rare, mais qui se voit quelquefois, du choléra asiatique, et je suis bien aise de l’avoir observé ; car, depuis la campagne d’Égypte, je ne l’avais plus vu… Si l’on m’avait appelé, je l’aurais sauvée.

GERTRUDE.

Ah ! quel bonheur !… Un crime dans notre établissement, si paisible depuis douze ans, cela m’aurait glacée d’effroi.

LE GÉNÉRAL.

Voilà l’effet des bavardages. Mais es-tu bien certain, Vernon ?

VERNON.

Certain ! Belle question à faire à un ancien chirurgien en chef qui a traité douze armées françaises de 1793 à 1815, qui a pratiqué en Allemagne, en Espagne, en Italie, en Russie, en Pologne, en Égypte ; à un médecin cosmopolite !

LE GÉNÉRAL, il lui frappe le ventre.

Charlatan, va !… il a tué plus de monde que moi, dans tous ces pays-là !

GODARD.

Ah çà ! mais qu’est-ce qu’on disait donc ?

GERTRUDE.

Que ce pauvre Champagne, notre contre-maître, avait empoisonné sa femme.

VERNON.

Malheureusement, ils avaient eu la veille une conversation où ils s’étaient trouvés manche à manche… Ah ! ils ne prenaient pas exemple sur leurs maîtres.

GODARD.

Un pareil bonheur devrait être contagieux ; mais les perfections que madame la comtesse nous fait admirer sont si rares.

GERTRUDE.

A-t-on du mérite à aimer un être excellent et une fille comme celle-là ?…

LE GÉNÉRAL.

Allons, Gertrude, tais-toi !… cela ne se dit pas devant le monde.