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pour mes beaux mouchoirs à bœufs non hypothéqués ; c’est pour mes économies, et pour mon parti pris de ne jamais dépenser tout mon revenu. Savez-vous ce qui m’a fait rechercher votre alliance entre tant d’autres ?

LE GÉNÉRAL.

Non.

GODARD.

Il y a des riches qui me garantissent l’obtention d’une ordonnance de Sa Majesté, par laquelle je serais nommé comte de Rimonville et pair de France.

LE GÉNÉRAL.

Vous ?

GODARD.

Oh ! oui, moi !

LE GÉNÉRAL.

Avez-vous gagné des batailles ? avez-vous sauvé votre pays ? l’avez-vous illustré ? Ça fait pitié !

GODARD.

Ça fait pit… (À part.) Qu’est-ce que je dis donc ? (Haut.) Nous ne pensons pas de même à ce sujet ! Enfin, savez-vous pourquoi j’ai préféré votre adorable Pauline ?

LE GÉNÉRAL.

Sacrebleu ! parce que vous l’aimiez…

GODARD.

Oh ! naturellement, mais c’est aussi à cause de l’union, du calme, du bonheur qui règnent ici ! C’est si séduisant d’entrer dans une famille honnête, de mœurs pures, simples, patriarcales ! Je suis observateur.

LE GÉNÉRAL.

C’est-à-dire curieux…

GODARD.

La curiosité, général, est la mère de l’observation. Je connais l’envers et l’endroit de tout le département.

LE GÉNÉRAL.

Eh bien ?

GODARD.

Eh bien ! dans toutes les familles dont je vous parlais, j’ai vu de vilains côtés. Le public aperçoit un extérieur décent, d’excellentes, d’irréprochables mères de famille, des jeunes personnes charmantes, de bons pères, des oncles modèles ; on leur donnerait le