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cela, général, on a le moral qu’on veut avoir. Aussi, suis-je M. de Rimouville.

LE GÉNÉRAL.

Non, Godard.

GODARD.

Godard de Rimonville.

LE GÉNÉRAL.

Godard tout court.

GODARD.

Général, cela se tolère.

LE GÉNÉRAL.

Moi ! je ne tolère pas qu’un homme, fût-il mon gendre ! renie son père ; le vôtre, fort honnête homme d’ailleurs, menait ses bœufs lui-même de Caen à Poissy, et s’appelait sur toute la route Godard, le père Godard.

GODARD.

C’était un homme bien distingué.

LE GÉNÉRAL.

Dans son genre… Mais je vois ce que c’est… Comme ses bœufs vous ont donné quarante mille livres de rente, vous comptez sur d’autres bêtes pour vous faire donner le nom de Rimonville.

GODARD.

Tenez, général ! consultez mademoiselle Pauline, elle est de son époque, elle. Nous sommes en 1829, sous le règne de Charles X. Elle aimera mieux, en sortant d’un bal, entendre dire : Les gens de madame de Rimonville, que : Les gens de madame Godard.

LE GÉNÉRAL.

Oh ! si ces sottises-là plaisent à ma fille, comme c’est de vous qu’on se moquera, ça m’est parfaitement égal, mon cher Godard.

GODARD.

De Rimonville.

LE GÉNÉRAL.

Godard ! Tenez, vous êtes un honnête homme, vous êtes jeune, vous êtes riche, vous dites que vous ne ferez pas la cour aux femmes, que ma fille sera la reine de votre maison… Eh bien, ayez son agrément, vous aurez le mien ; car, voyez-vous, Pauline n’épousera jamais que l’homme qu’elle aimera, riche ou pauvre… Ah ! il y a une exception, mais elle ne vous concerne pas. J’aimerais mieux aller à son enterrement que de la conduire à la mairie, si son prétendu se trouvait fils, petit-fils, frère, neveu, cousin