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DUPRÉ.

Mon enfant, ils doivent être tout aussi discrets… dites-moi bien tout.

PAMÉLA.

Eh bien, Monsieur, je l’aimais ; c’est-à-dire je croyais l’aimer, et je serais bien volontiers devenue sa femme… Je pensais qu’avec son activité, Joseph s’établirait, et que nous mènerions une vie de travail. Quand la prospérité serait venue, eh bien, nous aurions pris avec nous mon père et ma mère ; c’est bien simple ! c’était une vie toute unie !

DUPRÉ, à part.

L’aspect de cette jeune fille prévient en sa faveur ! voyons si elle sera vraie ! (Haut.) À quoi pensez-vous ?

PAMÉLA.

À ce passé qui me semble heureux en le comparant au présent. En quinze jours de temps la tête m’a tourné, quand j’ai vu M. Jules ; je l’ai aimé, comme nous aimons, nous autres jeunes filles, comme j’ai vu de mes amies aimer des jeunes gens… oh ! mais les aimer à tout souffrir pour eux ! Je me disais : Est-ce que je serai jamais ainsi ? Eh bien, je ne sais pas ce que je ne ferais pas pour M. Jules. Tout à l’heure, ils m’ont offert de l’argent, eux ! de qui je devais attendre tant de noblesse, tant de grandeur, et je me suis révoltée !… De l’argent ! j’en ai, Monsieur ! j’ai vingt mille francs ! ils sont ici, à vous c’est-à-dire à lui ! je les ai gardés pour essayer de le sauver, car je l’ai livré en doutant de lui, si confiant, si sûr de moi… moi si défiante !

DUPRÉ.

Il vous a donné vingt mille francs ?

PAMÉLA.

Ah ! Monsieur ! il me les a confiés ! ils sont là… Je les remettrais à la famille s’il mourait ; mais il ne mourra pas dites ? vous devez le savoir ?

DUPRÉ.

Mon enfant, songez que toute votre vie, peut-être votre bonheur, dépendent de la vérité de vos réponses… répondez-moi comme si vous étiez devant Dieu.

PAMÉLA.

Oui, Monsieur.

DUPRÉ.

Vous n’avez jamais aimé personne ?