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moi, nous vous laisserons constituer, sur sa fortune, un majorat pour votre fils…

MARIE.

Eh bien ! mon père ?

QUINOLA.

Eh bien ! Monsieur ?

LOTHUNDIAZ.

Oh ! c’est ce brigand de Lavradi.

QUINOLA.

Mon maître a fait reconnaître mon innocence par le roi.

LOTHUNDIAZ.

M’anoblir est alors chose bien moins difficile…

QUINOLA.

Ah! vous croyez qu’un bourgeois devient grand seigneur avec les patentes du roi ? Voyons. Figurez-vous que je suis marquis de Lavradi. Mon cher, prête-moi cent ducats ?

LOTHUNDIAZ.

Cent coups de bâton ! Cent ducats ?… le revenu d’une terre de deux mille écus d’or.

QUINOLA.

Là ! voyez-vous ?… Et ça veut être noble ! Autre chose. Comte Lothundiaz, avancez deux mille écus d’or à votre gendre, pour qu’il puisse accomplir ses promesses au roi d’Espagne.

LOTHUNDIAZ, à Fontanarès.

Et qu’as-tu donc promis ?

FONTANARÈS.

Le roi d’Espagne, instruit de mon amour pour votre fille, vient à Barcelone voir marcher un vaisseau sans rames ni voiles, par une machine de mon invention, et nous mariera lui-même.

LOTHUNDIAZ, à part.

Ils veulent me berner. (Haut.) Tu feras marcher les vaisseaux tout seuls, je le veux bien, j’irai voir ça. Ça m’amusera. Mais je ne veux pas pour gendre d’homme à grandes visées. Les filles élevées dans nos familles n’ont pas besoin de prodiges, mais d’un homme qui se résigne à s’occuper de son ménage, et non des affaires du soleil et de la lune. Être bon père de famille est le seul prodige que je veuille en ceci.

FONTANARÈS.

À l’âge de douze ans, votre fille, Seigneur, m’a souri comme Béatrix à Dante. Enfant, elle a vu d’abord un frère en moi ; puis,