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LA DUCHESSE.

Et il vous aime ?

VAUTRIN.

Encore.

LA DUCHESSE.

Mais a-t-il dit vrai, ce misérable, en découvrant qui vous êtes et d’où vous sortez ?

VAUTRIN.

Oui, Madame.

LA DUCHESSE.

Et vous avez eu soin de mon fils ?

VAUTRIN.

Votre fils ? notre fils. Ne l’avez-vous pas vu, il est pur comme un ange.

LA DUCHESSE.

Ah ! quoi que tu aies fait, sois béni que le monde te pardonne ! Mon Dieu !… (Elle plie le genou sur un fauteuil) la voix d’une mère doit aller jusqu’à vous, pardonnez ! pardonnez tout à cet homme. (Elle le regarde.) Mes pleurs laveront ses mains ! Oh ! il se repentira ! (Se tournant vers Vautrin.) Vous m’appartenez, je vous changerai ! Mais les hommes se sont trompés, vous n’êtes pas criminel, et d’ailleurs toutes les mères vous absoudront !

VAUTRIN.

Allons, rendons-lui son fils.

LA DUCHESSE.

Vous aviez encore l’horrible pensée de ne pas le rendre à sa mère ? Mais je l’attends depuis vingt-deux ans.

VAUTRIN.

Et moi, depuis dix ans, ne suis-je pas son père ? Raoul, mais c’est mon âme ! Que je souffre, que l’on me couvre de honte ; s’il est heureux et glorieux, je le regarde, et ma vie est belle.

LA DUCHESSE.

Ah ! je suis perdue ! Il l’aime comme une mère.

VAUTRIN.

Je ne me rattachais au monde et à la vie que par ce brillant anneau, pur comme de l’or.

LA DUCHESSE.

Et… sans souillure ?…