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les vingt millions de corvéables comme un accident dans l’État.

Aujourd’hui, les nobles de 1804 ou de l’an MCXX ne représentent plus rien. La Révolution n’était qu’une croisade contre les privilèges, et sa mission n’a pas été tout à fait vaine : car, si la Chambre des pairs, dernier lambeau des prérogatives héréditaires, devient une oligarchie territoriale, elle ne sera jamais une aristocratie hérissée de droits hostiles. Mais, malgré l’amélioration apparente imprimée à l’ordre social par le mouvement de 1789, l’abus nécessaire que constitue l’inégalité des fortunes s’est régénéré sous de nouvelles formes. N’avons-nous pas, en échange d’une féodalité risible et déchue, la triple aristocratie de l’argent, du pouvoir et du talent, qui, toute légitime qu’elle est, n’en jette pas moins sur la masse un poids immense, en lui imposant le patriciat de la banque, le ministérialisme et la balistique des journaux et de la tribune, marchepieds des gens de talent ? Ainsi, tout en consacrant, par son retour à la monarchie constitutionnelle, une mensongère égalité politique, la France n’a jamais que généralisé le mal : car nous sommes une démocratie de riches. Avouons-le, la grande lutte du XVIIIe siècle était un combat singulier entre le tiers État et les ordres. Le peuple n’y fut