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inconvenant, et il ne lui échappe aucun geste de mauvais ton… N’achevons pas cette peinture ; cet homme a la grâce suffisante.

Ne connaissons-nous pas tous un aimable égoïste qui possède le secret de nous parler de lui sans trop nous déplaire ? Chez lui, tout est gracieux, frais, recherché, poétique même. Il se fait envier. Tout en vous associant à ses jouissances, à son luxe, il semble craindre votre manque de fortune. Son obligeance, tout en discours, est une politesse perfectionnée. Pour lui, l’amitié n’est qu’un thème dont il connaît admirablement bien la richesse, et dont il mesure les modulations au diapason de chaque personne.

Sa vie est empreinte d’une personnalité perpétuelle, dont il obtient le pardon grâce à ses manières : artiste avec les artistes, vieux avec un vieillard, enfant avec les enfants, il séduit sans plaire, car il nous ment dans son intérêt et nous amuse par calcul. Il nous garde et nous câline parce qu’il s’ennuie, et, si nous nous apercevons aujourd’hui que nous avons été joués, demain nous irons encore nous faire tromper… Cet homme a la grâce essentielle.

Mais il est une personne dont la voix harmonieuse imprime au discours un charme également répandu dans ses manières. Elle sait et parler et se taire, s’occupe de vous avec délica-