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quée, en face à un homme à qui la princesse de Cadignan vient d’envoyer ses gens, qui a dîné à Gondreville aujourd’hui, qui va passer la soirée ce soir chez la marquise de Cinq-Cygne ?

Ce fut dit si vivement et d’un ton si dur, que Simon en fut déconcerté.

— Ah ! mademoiselle, dit Olivier Vinet, si l’on se disait en face ce que nous disons tous les uns des autres en arrière, il n’y aurait plus de société possible. Les plaisirs de la société, surtout en province, consistent à se dire du mal les uns des autres…

— Monsieur Simon est jaloux de ton enthousiasme pour le comte inconnu, dit Ernestine.

— Il me semble, dit Cécile, que monsieur Simon n’a le droit d’être jaloux d’aucune de mes affections…

Sur ce mot, accentué de manière à foudroyer Simon, Cécile se leva ; chacun lui laissa le passage libre, et elle alla rejoindre sa mère qui terminait ses comptes au whist.

— Ma petite ! s’écria madame Marion en courant après l’héritière, il me semble que vous êtes bien dure pour mon pauvre Simon !

— Qu’a-t-elle fait, cette chère petite chatte ? demanda madame Beauvisage.

— Maman, monsieur Simon a souffleté mon inconnu du mot de farceur.

Simon suivit sa tante, et arriva sur le terrain de la table à jouer. Les quatre personnages dont les intérêts étaient si graves se trouvèrent alors réunis au milieu du salon, Cécile et sa mère d’un côté de la table, madame Marion et son neveu de l’autre.

— En vérité, madame, dit Simon Giguet, avouez qu’il faut avoir bien envie de trouver des torts à quelqu’un pour se fâcher de ce que je viens de dire d’un monsieur dont parle tout Arcis et qui loge au Mulet

— Est-ce que vous trouvez qu’il vous fait concurrence ? dit en plaisantant madame Beauvisage.

— Je lui en voudrais, certes, beaucoup, s’il était cause de la moindre mésintelligence entre mademoiselle Cécile et