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— Ah ! monsieur Antonin, dit la belle Ernestine Mollot, vous qui avez promis à ma mère de découvrir ce qu’est le bel inconnu, que savez-vous de neuf sur lui ?

— Les événements d’aujourd’hui, mademoiselle, sont bien autrement importants ! dit Antonin en s’asseyant près de Cécile comme un diplomate enchanté d’échapper à l’attention générale en se réfugiant dans une causerie de jeunes filles. Toute ma vie de sous-préfet ou de préfet est en question…

— Comment ! vous ne laisserez pas nommer à l’unanimité votre ami Simon ?

Simon est mon ami, mais le gouvernement est mon maître, et je compte tout faire pour empêcher Simon de réussir. Et voilà madame Mollot qui me devra son concours, comme la femme d’un homme que ses fonctions attachent au gouvernement.

— Nous ne demandons pas mieux que d’être avec vous, répliqua la greffière. Mollot m’a raconté, dit-elle à voix basse, ce qui s’est fait ici ce matin… C’était pitoyable ! Un seul homme a montré du talent, et c’est Achille Pigoult. Tout le monde s’accorde à dire que ce serait un orateur qui brillerait à la chambre ; aussi quoiqu’il n’ait rien et que ma fille soit fille unique, qu’elle aura d’abord sa dot, qui sera de soixante mille francs, puis notre succession, dont je ne parle pas, et enfin, les héritages de l’oncle à Mollot, le meunier, et de ma tante Lambert, à Troyes. Eh bien ! je vous déclare que si monsieur Achille Pigoult voulait nous faire l’honneur de penser à elle et la demandait pour femme, je la lui donnerais, moi, si toutefois il plaisait à ma fille ; mais la petite sotte ne veut se marier qu’à sa fantaisie… C’est mademoiselle Beauvisage qui lui met ces idées-là dans la tête…

Le sous-préfet reçut cette double bordée en homme qui se sait trente mille livres de rentes et qui attend une préfecture.

— Mademoiselle a raison, répondit-il en regardant Cécile ; elle est assez riche pour faire un mariage d’amour…

— Ne parlons pas mariage, dit Ernestine. Vous attristez