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tres, ont une enseigne où se lisent ces mots : Fabrique de bonneteries. Ni les uns ni les autres ne font un bas, ni un bonnet, ni une chaussette. La bonneterie vient de la Champagne en grande partie, car il existe à Paris des ouvriers qui rivalisent avec les Champenois.

Cet intermédiaire entre le producteur et le consommateur n’est pas une plaie particulière à la bonneterie. Il existe dans la plupart des commerces, et renchérit la marchandise de tout le bénéfice exigé par l’entrepositaire. Abattre ces cloisons coûteuses qui nuisent à la vente des produits, serait une entreprise grandiose qui, par ses résultats, arriverait à la hauteur d’une œuvre politique. En effet, l’industrie tout entière y gagnerait, en établissant à l’intérieur ce bon marché si nécessaire à l’extérieur pour soutenir victorieusement la guerre industrielle avec l’étranger ; bataille tout aussi meurtrière que celle des armes.

Mais la destruction d’un abus de ce genre ne rapporterait pas aux philanthropes modernes la gloire et les avantages d’une polémique soutenue pour les noix creuses de la négrophilie ou du système pénitentiaire ; aussi le commerce interlope de ces banquiers de marchandises continuera-t-il à peser pendant longtemps et sur la production et sur la consommation. En France, dans ce pays si spirituel, il semble que simplifier ce soit détruire. La révolution de 1789 y fait encore peur.

On voit, par l’énergie industrielle que déploie un pays pour qui la nature est marâtre, quels progrès y ferait l’agriculture si l’argent consentait à commanditer le sol qui n’est pas plus ingrat dans la Champagne qu’il ne l’est en Écosse, où les capitaux ont produit des merveilles. Aussi le jour où l’agriculture aura vaincu les portions infertiles de ces départements, quand l’industrie aura semé quelques capitaux sur la craie champenoise, la prospérité triplera-t-elle. En effet, le pays est sans luxe, les habitations y sont dénuées : le confort des Anglais y pénétrera, l’argent y prendra cette rapide circulation qui est la moitié de la richesse, et qui commence dans beaucoup de contrées inertes de la France.

Les écrivains, les administrateurs, l’Église du haut de ses