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familles de la Champagne. Sans s’expliquer sur les raisons qui l’avaient décidé à tenir si secrète la naissance de son fils, le marquis vient légalement de le reconnaître. En même temps, il a fait pour lui l’acquisition d’une terre qui avait cessé depuis longtemps d’appartenir à la famille Sallenauve, et qui va se rattacher de cette manière au nom.

Cette terre est située à Arcis même, et il est donc à penser que sa possession ne sera point inutile aux projets de députation mis aujourd’hui sur le tapis. Ces projets datent de plus loin que nous ne l’avions pensé, et ce n’est pas dans la fantaisie de Dorlange qu’ils ont pris naissance.

Il y a un an, le marquis commençait à les préparer en faisant passer à son fils une somme considérable pour qu’il pût se constituer par l’achat d’un immeuble un cens d’éligibilité, et c’est également pour faciliter au candidat l’accès de la carrière politique, qu’il vient de le mettre en possession d’un état civil et de le faire une seconde fois propriétaire. La fin réelle de tous ces sacrifices n’a pas été très-nettement expliquée à Charles de Sallenauve par le marquis son père, et c’est au sujet de cette portion brumeuse, qui reste encore dans son ciel, que le pauvre garçon avait conçu les appréhensions auxquelles mon amitié s’est empressée d’aller porter remède.

Somme toute, le marquis paraît être un homme aussi bizarre qu’opulent, car, au lieu de rester à Arcis, où sa présence et son nom auraient pu contribuer au succès de l’élection qu’il désire, le lendemain même du jour où toutes les formalités de la reconnaissance ont été accomplies, il s’est remis furtivement en route pour des pays lointains où il dit avoir de pressants intérêts, et n’a pas même laissé le temps à son fils de lui adresser ses adieux. Cette froideur a bien empoisonné le bonheur de Charles, mais il faut prendre les pères comme ils sont, car Dorlange et moi, nous sommes là tous les deux pour prouver que n’en a pas qui veut.

Une autre bizarrerie de notre gentilhomme, c’est le choix qu’il a fait, comme grand électeur de son fils, d’une vieille religieuse ursuline, en passant avec elle un marché à l’exé-