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mille dont vous allez porter le nom, monsieur le marquis fera passer sous vos yeux tous les titres et tous les papiers dont il est détenteur ; de plus, quoique depuis bien longtemps il ait quitté ce pays, il sera en mesure de faire affirmer son identité par plusieurs de ses contemporains encore existants, ce qui, du reste, ne pourra que profiter à la validité de l’acte à intervenir. Par exemple, au nombre des personnes honorables par lesquelles il a déjà été reconnu, je puis vous citer la respectueuse supérieure de la communauté des dames Ursulines, la mère Marie des Anges pour laquelle, soit dit en passant, vous avez fait un chef-d’œuvre.

— Oui, ma foi, oui, c’est un joli morceau, dit le marquis, et si vous êtes un politique de cette force !…

— Eh bien ! marquis, dit Jacques Bricheteau qui me parut le mener un peu, voulez-vous procéder, avec notre jeune ami, à la vérification des papiers de famille ?

— Mais c’est inutile, répliquai-je, et vraiment, par ce refus d’examen, il ne me paraissait pas que j’engageasse beaucoup ma foi ; car, après tout, que signifient des papiers entre les mains d’un homme qui peut les avoir fabriqués ou se les être appropriés ?

Mais mon père ne me tint pas pour quitte, et pendant plus de deux heures il fit passer sous mes yeux des parchemins, des arbres généalogiques, des contrats, des brevets, toutes pièces desquelles il résulte que la famille de Sallenauve est après les Cinq-Cygne une des plus anciennes familles de la Champagne en général et du département de l’Aube en particulier. Je dois ajouter que l’exhibition de toutes ces archives fut accompagnée d’un nombre infini de détails parlés qui donnaient à l’identité du dernier marquis de Sallenauve la plus incontestable vraisemblance. Sur tout autre sujet, mon père est assez laconique ; son ouverture d’esprit ne me paraît pas extraordinaire, et volontiers il passe la parole à son chancelier : mais là, sur le fait de ses parchemins, il fut étourdissant d’anecdotes, de souvenirs, de savoir héraldique ; bref, ce fut bien le vieux gentilhomme ignorant et superficiel sur toute chose, mais de-