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nous ! Sans votre jugement si éclairé, j’étais capable, avec tout le bon public, de trouver cette statue admirable ; vraiment c’est dommage que l’auteur ne soit pas là pour apprendre de vous son métier.

— Mais c’est que justement il est là, derrière vous, dit en riant à gorge déployée une grosse femme que je venais de saluer, une ancienne carrossière qui me loue la maison où est établi mon atelier.

L’instinct l’emporta sur la réflexion, et involontairement Marianina se retourna ; quand elle m’aperçut, un pied de rouge s’étendit sur son visage, moi je n’eus que le temps de m’esquiver.

Une fille qui prenait si vertement mon parti, et qui ensuite se montrait si troublée d’être surprise en cette bienveillance, ne devait pas décidément me voir avec déplaisir ; et comme, en définitive, lors de ma première visite, je n’avais été que froidement accueilli, à la suite de l’exposition, nommé chevalier de la Légion d’honneur, je résolus de faire une nouvelle épreuve. Peut-être la distinction dont je venais d’être l’objet me vaudrait-elle cette fois un traitement meilleur du fier monsieur de Lanty.

Reçu par un vieux domestique que Marianina affectionnait :

— Ah ! monsieur, me dit-il, il s’est passé ici des choses bien tristes !

— Mais quoi donc ? demandai-je vivement. « — Je vais annoncer monsieur, » fut sa seule réponse, et, un instant après, j’étais introduit dans le cabinet de monsieur de Lanty.

Cet homme me reçut sans se lever et me salua de cette apostrophe :

— Je vous trouve courageux, monsieur, d’avoir eu la pensée de vous présenter ici.

— Mais je n’y avais pas encore été reçu de manière à croire que j’eusse besoin d’un si grand courage.

— Vous venez sans doute, continua monsieur de Lanty, chercher ce que vous avez eu la maladresse de laisser dans nos mains ; je vais vous rendre, monsieur, cet objet galant.