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de telles avances devait avoir quelque chose de sérieux ; quand elle savait tout et moi rien, il me sembla que vouloir entamer avec elle une lutte n’était ni très-raisonnable ni très-opportun.

En somme, avais-je de la répugnance pour la direction qui m’était insinuée ? Non, les intérêts politiques m’ont toujours passionné dans un certain degré, et si ma tentative électorale n’aboutissait pas, je retournerais à mon art sans être plus ridicule que toutes les ambitions mortes-nées que l’on voit se produire à chaque législature nouvelle. J’ai donc acheté l’immeuble, et, devenu actionnaire du National, j’y ai trouvé des encouragements à mes prétentions politiques, en même temps que la certitude d’un ardent concours, quand j’aurai révélé le lieu de ma candidature, sur lequel jusqu’ici il ne m’a pas été difficile de garder un silence absolu.

J’ai également terminé la sainte Ursule, et maintenant j’attends des instructions nouvelles, qui ne laissent pas de me paraître longues à venir, aujourd’hui que j’ai fort ébruité mon ambition parlementaire, et que le mouvement d’une prochaine élection générale, pour laquelle je me trouve de tout point en mesure, est déjà commencé.

Je n’ai pas besoin, pour entrer dans les recommandations de la prudence paternelle, de te demander sur toute cette confidence une discrétion sans réserve. C’est une vertu qu’à ma connaissance tu pratiques d’une manière trop distinguée pour que j’aie besoin de te la prêcher. Mais j’ai vraiment tort, cher ami, de me permettre de ces méchantes allusions à notre passé, car, en ce moment, plus que tu ne penses, je me trouve ton obligé. Un peu par intérêt pour moi, et beaucoup par l’aversion assez générale qu’inspire la morgue de ton ex-beau-frère, lors de ma blessure, le parti démocratique est venu en masse s’inscrire chez moi, et par le tapage de ce duel qui m’a vraiment beaucoup ébruité nul doute que ma candidature n’ait gagné beaucoup de terrain. Trêve donc à tes éternelles reconnaissances, ne vois-tu pas que c’est moi qui te redois !