Page:Balzac-Le député d'Arcis-1859.djvu/131

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tiste, et à une autre époque je l’aurais acceptée avec empressement. Mais au moment où j’ai l’honneur de vous recevoir, sans avoir encore le dessein arrêté de quitter la carrière des arts, je suis peut-être sur le point d’aborder la vie politique. Mes amis me pressent de me présenter aux élections prochaines, et vous le comprenez, monsieur, si je venais à être nommé, la complication de mes devoirs parlementaires, mon initiation à une vie toute nouvelle deviendraient, pour longtemps au moins, un obstacle à ce que je pusse aborder avec le recueillement nécessaire l’œuvre dont vous m’entretenez.

» J’aurais d’ailleurs affaire — ajouta monsieur Dorlange — à une grande douleur, qui dans ce moment projeté, se cherche à grands frais une consolation. Cette douleur, naturellement, serait impatiente ; moi, je serais lent, distrait, empêché ; le mieux est donc que l’on s’adresse ailleurs ; ce qui ne m’empêchera pas d’être, comme je le dois, reconnaissant et honoré de la confiance qu’on a bien voulu me témoigner. »

À la suite de ce petit speech assez bien tourné, comme vous pouvez voir, et par lequel il me parut seulement que votre ami préludait peut-être un peu trop complaisamment à ses futurs succès de tribune, j’eus un moment la pensée de lui poser l’hypothèse de l’insuccès de sa candidature et de lui demander si, le cas échéant, il n’y aurait pas apparence de revenir à lui. Mais il n’est jamais bien séant de mettre en doute un triomphe électoral, et comme j’étais en présence d’un homme profondément ulcéré, je ne voulus point, par une curiosité qui pouvait être mal prise, m’exposer à jeter de l’huile sur le feu. Je me contentai donc d’exprimer un regret et de dire que je vous ferais connaître le résultat de ma démarche. Inutile d’ajouter, que d’ici à quelques jours, je saurai à quoi m’en tenir sur la portée de cette ambition parlementaire qui s’est, si mal à propos, rencontrée sur notre chemin.

Pour moi, il y a mille raisons de croire que cette candidature est une visée. Dans cette donnée peut-être feriez-vous bien d’écrire à monsieur Dorlange ; car toute son attitude,