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— C’est-à-dire que plus tard ?… dit la jeune comtesse en se retournant et regardant son mari.

— Plus tard, c’est la fin du monde, répondit Maxime. Mais n’est-ce pas me faire gagner mon procès que de me donner madame pour juge ?

Le comte, par un geste gracieux, amena la jolie comtesse auprès de lui, elle écouta quelques mots, regarda sa mère, et dit à Rastignac : — Si vous voulez aller avec monsieur de Trailles à l’ambassade, ma mère me ramènera.

Quelques instants après, la baronne de Nucingen et la comtesse de Rastignac sortirent ensemble. Maxime et Rastignac descendirent bientôt, et quand ils furent assis tous deux dans la voiture du baron : — Que me voulez-vous, Maxime ? dit le nouveau marié. Qu’y a-t-il de si pressé pour me prendre à la gorge ? Qu’avez-vous dit à ma femme ?

— Que j’avais à vous parler, répondit monsieur de Trailles. Vous êtes heureux, vous ! Vous avez fini par épouser l’unique héritière des millions de Nucingen, et vous l’avez bien gagné… vingt ans de travaux forcés !…

— Maxime !

— Mais moi, me voici mis en question par tout le monde, dit-il en continuant et tenant compte de l’interruption. Un misérable, un du Tillet, se demande si j’ai le courage de me tuer ! Il est temps de se ranger. Veut-on ou ne veut-on pas se défaire de moi ? vous pouvez le savoir, vous le saurez, dit Maxime en faisant un geste pour imposer silence à Rastignac. Voici mon plan, écoutez-le. Vous devez me servir, je vous ai déjà servi, je puis vous servir encore. La vie que je mène m’ennuie et je veux une retraite. Voyez à me seconder dans la conclusion d’un mariage qui me donne un demi-million ; une fois marié, nommez-moi ministre auprès de quelque méchante république d’Amérique. Je resterai dans ce poste aussi longtemps qu’il le faudra pour légitimer ma nomination à un poste du même genre en Allemagne. Si je vaux quelque chose on m’en tirera ; si je ne vaux rien, on me remerciera. J’aurai peut-être un enfant, je serai sévère pour lui ; sa mère sera riche, j’en ferai un diplomate, il pourra être ambassadeur.