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mon goût. D’abord son père et moi nous lui laissons la pleine liberté de choisir. Elle voudrait épouser l’inconnu que, pourvu que ce soit un homme convenable, nous lui accorderions notre consentement. Puis, Cécile dépend entièrement de son grand-père, qui lui donnera au contrat un hôtel à Paris, l’hôtel de Beauséant, qu’il a, depuis dix ans, acheté pour nous, et qui vaut aujourd’hui huit cent mille francs. C’est l’un des plus beaux du faubourg Saint-Germain. En outre, il a deux cent mille francs en réserve pour les frais d’établissement. Un grand-père, qui se conduit ainsi et qui déterminera ma belle-mère à faire aussi quelques sacrifices pour sa petite-fille, en vue d’un mariage convenable, a droit de conseil…

— Certainement ! dit madame Marion stupéfaite de cette confidence qui rendait le mariage de son fils d’autant plus difficile avec Cécile.

— Cécile n’aurait rien à attendre de son grand-père Grévin, reprit madame Beauvisage, qu’elle ne se marierait pas sans le consulter. Le gendre que mon père avait choisi vient de mourir ; j’ignore ses nouvelles intentions. Si vous avez quelques propositions à faire, allez voir mon père.

— Eh ! bien, j’irai, dit madame Marion.

Madame Beauvisage fit un signe à Cécile, et toutes deux elles quittèrent le salon.

Le lendemain, Antonin et Frédéric Marest se trouvèrent, selon leur habitude, après déjeuner, avec monsieur Martener et Olivier sous les tilleuls de l’Avenue aux Soupirs, fumant leurs cigares et se promenant. Cette promenade est un des petits plaisirs des autorités en province, quand elles vivent bien ensemble.

Après que les promeneurs eurent fait quelques tours, Simon Giguet vint se joindre à eux, et d’un air mystérieux :

— Tu dois rester fidèle à un vieux camarade qui veut te faire donner la rosette d’officier et une préfecture, lui dit-il.

— Tu commences déjà ta carrière politique, dit Antonin en riant, tu veux me corrompre, enragé puritain ?

— Veux-tu me seconder ?

— Mon cher, tu sais bien que Bar-sur-Aube vient voter